Résumé de la 4e partie n Pour sauver Cherryl, le tribunal décide de la confier à un père adoptif provisoire... «Nous venons reprendre notre fille... » dit Mme Lynn. Consternation dans l'hôpital. Le personnel jetterait volontiers à la porte cette femme aux yeux gris, raide comme la justice et son mari au front étroit et – à la voix trop douce. Il s'explique calmement : «Notre incapacité à assurer la responsabilité de notre enfant tenait à notre refus d'accepter l'exsanguino-transfusion. Notre fille étant guérie, l'incapacité ne peut plus être retenue contre nous et nous reprenons tous nos droits sur notre fille. — Ce n'est plus votre fille, c'est la nôtre !» s'exclame alors le garagiste. Et avec l'aide de sa femme il obtient que l'hôpital lui remette Cherryl Lynn. Le premier réflexe de M. et Mme Lynn est de leur courir après jusque sur le parking où la police, prévenue par l'hôpital, les interpelle. M. et Mme Lynn n'insistent pas et décident de s'adresser à la justice. Un avocat va donc plaider pour eux : «Mes clients, dit-il, n'ont jamais abandonné leur enfant. Mais ils n'ont pas voulu désobéir à Dieu. Nous sommes un pays chrétien où chacun sait que la loi divine doit être respectée avant la loi humaine. D'ailleurs, ils ont si peu abandonné Cherryl qu'ils ont prié pour elle jour et nuit. Alors qu'est-ce qui prouve que c'est votre transfusion de sang qui a sauvé Cherryl ? Qu'est-ce qui prouve que ce n'est pas leur prière ?» En réponse, l'avocat du garagiste produit les conclusions unanimes de dix experts consultés par la justice américaine. Pour eux, il ne fait aucun doute que Cherryl serait morte aujourd'hui si l'on n'avait pas opéré la transfusion sanguine. «Nous reconnaissons parfaitement le droit aux Témoins de Jéhovah de refuser la transfusion sanguine pour eux», déclare l'avocat. Mais ce droit ne saurait s'étendre à d'autres personnes qu'à l'individu concerné par la transfusion. Le premier devoir de l'être humain, surtout d'un père et d'une mère, est de tout tenter pour sauver la vie d'un autre être humain, et prendre une décision contraire à ce devoir doit être considéré comme une faute. » Evidemment, le débat passionne les Etats-Unis Les partisans de M. et Mme Lynn évoquent la loi du sang. «Tous les jugements, disent-ils, n'empêcheraient pas que Cherryl soit et reste la fille de M. et Mme Lynn.» A quoi leurs adversaires répondent non sans logique : «La loi du sang ? Vous nous faites rire : Cherryl n'a plus dans ses veines une seule goutte du sang de son père et de sa mère.» Finalement, la Cour suprême des Etats-Unis, après avoir longuement examiné le dossier de Cherryl Lynn, décide qu'elle ne sera pas rendue à ses premiers parents. Elle restera pour toujours la fille de son père adoptif. En vérité, dans cette histoire, la grande question débordait largement le cas de Cherryl Lynn et l'on pourrait la poser de la façon suivante : «A qui est-on le plus redevable ? A ceux qui un jour (et parfois sans trop y penser) nous ont donné la vie ? Ou à ceux qui, volontairement, nous l'ont conservée ?»