Terroir n Les consommateurs oranais sont privés, un mois durant, d'un plat qui fait la renommée de leur ville, la calentica. Les commerces qui proposent traditionnellement ce plat, dont les origines remontent à la période de l'occupation de la ville d'Oran par les Espagnols à partir du XVIe siècle de l'ère chrétienne, s'investissent durant le mois de ramadan dans un créneau plus lucratif : celui de la vente de la chamia, zlabia et autres délices «spécial ramadan». Contrairement à d'autres régions de l'ouest du pays, Mostaganem, par exemple, où la calentica figure en bonne place sur la table ramadanesque, les Oranais renoncent à consommer ce plat indisponible dans les gargotes et autres fast-foods, aussi bien du centre-ville que des quartiers populaires. Seules certaines familles maîtrisant les secrets de la recette de la «karène», comme la désignent les Oranais, préparent parfois durant le mois du jeûne ce succulent plat fait à base de farine de pois chiches, d'eau, d'œufs et d'huile d'olive, que l'on savoure tout chaud arrosé de cumin et de harissa. Une longue histoire unit les Oranais à la calentica : une légende indique que c'est lors du siège de la ville d'Oran, en 1707, par les forces du sultan du Maroc, que les troupes espagnoles, réfugiées derrière les remparts du fort de Santa Cruz, édifié sur la montagne dominant la ville, manquèrent de ravitaillements. Un cuistot, n'ayant à sa disposition que de la farine de pois chiches, concocta un plat, très nutritif, qui a permis à ses compatriotes de dépasser cette mauvaise passe. Ce mets aurait pris l'appellation de calentica, qui signifie en espagnol «chaud», car le secret de cette préparation culinaire réside dans le fait d'être consommée toute chaude. Une autre légende veut que la calentica est préparée par des prisonniers espagnols qui l'échangent contre de la mouna, un pain-gâteau sucré, que leur offraient des membres de leurs familles à chaque visite. Peu importe l'histoire de ce mets, l'essentiel est qu'il est bien ancré dans les traditions culinaires des Oranais et qu'il constitue un plat à la portée de toutes les bourses et très demandé à tout moment de la journée par des consommateurs désirant calmer leur faim. Avant le ramadan, H'mida, propriétaire d'une gargote, à l'entrée du marché de La Bastille, ne compte plus le nombre de plateaux qu'il sert quotidiennement à sa clientèle, constituée aussi bien de personnes venues faire leurs emplettes, de fonctionnaires, cadres moyens des entreprises limitrophes ou carrément de familles. Ce commerce a pris les proportions d'une véritable industrie de la bouffe, puisque du côté de certains quartiers populaires, comme El-Hamri ou Médina Jdida, il existe des «kouchet» (fours traditionnels) spécialisées dans la préparation et la vente de la calentica. C'est dans ces endroits que viennent s'approvisionner les marchands ambulants qui, à bord de vieilles voitures ou de carrioles aménagées, proposent ce plat.