Il était une fois une belle Princesse écervelée. Le Roi, son père, dont elle était l'unique enfant, lui donnait tout ce qu'elle pouvait désirer. Son jouet préféré était une balle dorée qu'elle emportait partout, la lançant et la rattrapant sans cesse. Un jour, se promenant au fond du parc du château, elle arriva près d'un vieux puits. Elle s'assit sur la margelle, tout en jouant avec sa balle. Hélas ! La jolie balle dorée lui échappa et tomba tout au fond du puits. La Princesse sanglotait, penchée sur le bord du puits quand une voix froide et mouillée lui dit : — Si je vais chercher ta balle dorée au fond du puits, promets-tu de me laisser manger à ta table, de me laisser dormir dans ton lit, et de m'embrasser si je te le demande ? La Princesse se redressa et regarda autour d'elle. Il n'y avait personne ! Elle entendit de nouveau la voix. Cette fois, elle reconnut qu'elle venait du puits. En regardant mieux, elle vit qu'une grenouille lui tenait ce discours. La Princesse était si troublée qu'elle ne trouva pas étrange qu'une grenouille lui parlât. Aussi lui répondit-elle : — Grenouille, je te promets ce que tu veux si tu rapportes ma balle dorée. La grenouille plongea et ramena la balle dorée de la Princesse. En rentrant au palais, la Princesse avait, naturellement, oublié toutes les promesses faites à la grenouille. Mais, pendant le dîner, un bruit étrange se fit entendre à la porte de la salle à manger. Les valets ouvrirent et une grenouille verte, en trois bonds, vint se percher sur les genoux de la Princesse ! Le Roi, furieux qu'un tel animal vint troubler la majesté de son repas, exigea des explications auprès de sa fille consternée. La Princesse finit par lui avouer qu'elle avait promis à la grenouille qu'elle pourrait manger à la table du Roi. Elle se garda, cependant, de parler des autres promesses. — On doit toujours tenir ses promesses, dit le Roi. N'oublie jamais cela, mon enfant ! A ces mots, la grenouille commença à manger dans l'assiette de la Princesse. La Princesse ne dit mot, mais elle détestait cette présence humide. Vint le moment d'aller au lit. La Princesse entra dans sa chambre, très anxieuse de ce qu'elle allait y trouver. Elle renvoya ses servantes et tira elle-même les rideaux de son baldaquin. La grenouille était installée sur son oreiller ! La répugnance et le dégoût de la Princesse étaient si visibles que la grenouille lui rappela : — Le Roi, ton père, a dit que tu devais tenir tes promesses. La Princesse se glissa alors à contrecœur sous les couvertures. Mais à peine était-elle couchée que la grenouille, se rapprochant de son visage lui dit : — J'ai mangé à ta table, j'ai dormi dans ton lit. Alors, embrasse-moi. La Princesse ne voulait ni rompre son serment, ni embrasser la grenouille. Elle fit ce que font toutes les dames en difficulté : elle ferma les yeux, pensa à autre chose et effleura de ses lèvres la peau froide et mouillée de la grenouille. Aussitôt, un beau jeune homme se dressa, à la place de la vilaine grenouille. — Belle Princesse, merci. Vous m'avez délivré du mauvais sort qu'une sorcière m'avait jeté il y a cent ans. Je suis le Prince d'un pays voisin et je vous aime. Epousez-moi ! Le Roi fut enchanté de l'histoire. Il donna la main de sa fille au Prince et on célébra les noces pendant un mois. Le Prince et la Princesse furent heureux longtemps et eurent beaucoup d'enfants.