Il était une fois un vieux couple qui avait trois filles. La vieille détestait l'aînée, qui s'appelait Marfoucha et qui était sa belle-fille. Elle l'accablait de travail. Le vieux, qui avait peur de sa femme, ne savait comment venir en aide à sa fille. Un jour, la vieille, pour se débarrasser de Marfoucha, dit : — Elle est en âge de se marier ! Demain, vieux, tu attelleras le traîneau. Et toi, Marfoucha, tu mettras une chemise blanche : tu iras en visite. Le lendemain, tout heureuse, Marfoucha se leva tôt et se para : on n'avait jamais vu une fille à marier aussi belle ! C'était l'hiver et il faisait un froid à pierre fendre. La vieille dit au vieux : — Tourne à droite dans la forêt et continue jusqu'au grand pin sur la colline. Là, tu donneras Marfoucha à Gel. Celle-ci se mit à pleurer. — Arrête de pleurer ! Le fiancé est riche et, chez lui, c'est magnifique : les sapins sont couverts de duvet ! Le vieux laissa sa fille au fond de la forêt. Marfoucha grelottait. Soudain, elle entendit des craquements : c'était Gel, qui sautait d'un arbre à l'autre. Arrivé au grand pin, il demanda : — As-tu chaud, fillette ? — J'ai chaud, cher Gel ! répondit Marfoucha en claquant des dents. Gel descendit plus bas en craquant et demanda : — As-tu chaud, beauté ? — J'ai chaud, cher Gel ! Gel craqua plus fort. — As tu chaud, petit lapin ? — J'ai chaud, cher Gel ! La jeune fille était tout engourdie et respirait à peine. Gel eut pitié d'elle et la couvrit de chaudes pelisses. Le lendemain, le vieux revint et trouva sa fille vivante. A côté d'elle il y avait un coffre plein de riches cadeaux. Quand ils rentrèrent à la maison, la vieille fut stupéfaite. Plus tard, elle dit au vieux : — Emmène mes filles chez le fiancé. Il leur donnera encore plus de cadeaux ! La vieille para ses filles et les fit partir avec le vieux, qui les laissa sous le pin. Malgré leurs pelisses, elles commencèrent bien vite à avoir froid. — Si le fiancé n'arrive pas, nous allons crever ! — Laquelle de nous prendra-t- il ? — En tout cas pas toi, qui ne sais rien faire ! — Et toi, tu ne fais que bavarder et lécher les plats ! Pendant qu'elles se disputaient, Gel s'approcha en sautant de sapin en sapin. — Avez-vous chaud, fillettes ? — Gel, il fait trop froid. — Avez-vous chaud, beautés ? — Va-t-en ! Nos pieds et nos mains sont gelés ! — Avez-vous chaud, mes chères ? — Va au diable ! Et les deux filles devinrent toutes raides. Le lendemain, le vieux trouva ses filles transformées en statue de glace. Il les mit sur le traîneau. La vieille courut à sa rencontre : — Où sont les filles ? — Dans le traîneau. Quand elle vit ce qu'elles étaient devenues, elle entra dans une colère effroyable : — Vieux chien, tu as perdu mes enfants chéries ! — Veille rosse, tu l'as voulu toi-même ! La vieille finit par se calmer et fut bien forcée de se réconcilier avec sa belle-fille. Marfoucha se maria avec un voisin et vécut heureuse.