Résumé de la 1re partie Kiell Ericson a 22 ans, il est Norvégien, il connaît bien la neige et adore chasser les perdrix blanches. Il vise deux perdrix, quand, tout à coup, il est surpris par une avalanche. «ça, c?est embêtant. Très embêtant. Parce que même si j?arrive à creuser la neige avec mes doigts? Au fait, oui, je peux bouger les doigts. La neige est poudreuse, je vais peut-être arriver à creuser une petite cavité autour de mes mains. Mais comment faire pour mes jambes ? Ces lanières de cuir, je n?arriverai jamais à les défaire !» Kiell Ericson porte des bottes de ski et non des chaussures. ça se fait en Norvège du Nord, chez les paysans : des bottes qui montent aux genoux, en gros cuir. Les skis de fond, très longs, y sont solidement fixés par des lanières de cuir. Et dans les bottes, entre le cuir et la grosse chaussette, Kiell a bourré du foin, comme le font beaucoup de paysans. ça empêche la neige de rentrer, et surtout ça fait isolation. «Encore heureux que j?aie ce foin dans mes bottes, se dit-il. ça me tient les jambes au chaud?» En disant cela, il se trompe gravement. Il prend pour un avantage ce qui sera beaucoup plus qu?un inconvénient ! Mais il ne peut pas le savoir pour l?instant. Et son monologue reprend : «D?abord, il y a une chose incompréhensible, c?est que je respire. C?est donc vrai qu?on peut respirer à travers la neige. A condition d?en avoir pas plus d?un mètre au-dessus de soi. Les cristaux de neige, c?est poreux. Mais pas tellement, finalement, parce que je respire mal. Au fait, devant la bouche j?ai un petit vide. C?est mon haleine qui a fait fondre un peu la neige? Si je pouvais la faire fondre un peu plus?» Kiell Ericson essaie de rejeter plusieurs fois son haleine en retroussant les lèvres, comme on fait quand on veut réchauffer ses mains. Mais il abandonne vite. Il respire trop mal. «Bon, se dit-il, essayons autre chose. Il faut que je trouve la bonne man?uvre pendant que j?ai encore des forces. Sinon, on va retrouver mon cadavre au printemps. Comme celui du gros Matson qu?on a retrouvé tout amaigri. C?était la preuve qu?il avait respiré longtemps sous la neige. Il avait dû tenir plusieurs jours. Voyons : d?abord, essayer de creuser avec mes mains. Mais je ne peux de la main droite, puisque mon bras est coincé sous moi. Donc, ma main gauche. Avant qu?elle ne gèle.» Pendant des heures, luttant contre la neige qui se tasse à mesure qu?il veut la repousser, Kiell fait progresser sa main gauche comme une taupe. En direction de sa main droite : quand il arrive enfin à faire toucher ses deux mains, il est épuisé. Et il a faim. Il pense : «J?ai trois perdrix blanches dans mon sac, sur mon dos, et dans les poches du sac, j?ai aussi des allumettes et une bougie. Et du fil et une aiguille. Et j?ai mon couteau à ma ceinture. C?est tout ce que j?ai. Mon fusil je l?ai lâché? Ah ! J?ai encore les cartouches autour de ma ceinture? ça pourrait peut-être me servir. Mais comment ? En tout cas, les perdrix je les mangerai crues. Elles sont au frigo, comme moi ! Mais comment dégager suffisamment mes bras, mes épaules et le sac tyrolien ? Kiell Ericson, si tu ne te tires pas de là par toi-même, tu es fichu. Tu es à dix-huit kilomètres du village. Ils ne te chercheront pas avant demain. Au fait, combien de temps suis-je resté évanoui ? C?est peut-être déjà la nuit, au-dessus. Si je pouvais seulement voir ma montre?» Kiell Ericson roule ainsi de sombres pensées. Et il s?endort. Il ne sait pas combien de temps. En tout cas, quand il se réveille, il a une surprise : la chaleur de son corps a fait fondre la neige autour de lui ! Pas beaucoup? Mais ça lui suffit pour bouger un peu les épaules et les bras. Et aussi pour relever un peu la tête. Il veut aussi bouger les jambes : pas moyen. La neige n?a pas fondu autour à cause du foin dans les bottes, qui fait isolation thermique. Elle a fondu un peu autour des cuisses, jusqu?aux genoux. Elle a résisté à partir des bottes. C?est d?autant plus grave qu?elle s?est tassée partout ailleurs. Le haut du corps de Kiell Ericson s?est donc un peu enfoncé. Maintenant son torse et sa tête sont un peu plus bas que ses jambes, toujours croisées. (à suivre...)