Le mouton qui est inabordable cette année, fait couler beaucoup d'encre. En effet les prix exorbitants proposés aux citoyens les dissuadent d'accomplir ce rituel qui a fini par s'apparenter à un pilier de l'Islam. Une sunna avérée, disent les exégètes. Mais une sunna quand même, c'est-à-dire que rien n'oblige le musulman à la pratiquer, surtout quand il n'en a pas les moyens. Et il faut en avoir des moyens pour acheter un mouton dont la valeur tourne aisément autour de 4 millions de centimes ! Tout le monde sait que le nœud du problème est chez ces rejetons qui ne comprennent pas pourquoi le fils du voisin balade un bélier cornu alors qu'eux n'ont même pas un agneau à promener dans le quartier. Là, nous ne sommes plus dans la configuration religieuse mais dans le complexe social. Et c'est ainsi que le père se ruine pour acheter le mouton. Certaines institutions ont trouvé la parade pour permettre à leur personnel de célébrer la fête comme il se doit : l'achat par facilités. Le travailleur acquiert l'animal qu'il paye par tranches. Les imams ont adoubé cette forme d'achat, bannissant le crédit. S'endetter pour le sacrifice est illicite. Mais derrière ce rituel qui charrie toute une philosophie, celle qui permet aux plus démunis de manger de la viande et de faire ripaille une fois l'an, il y a surtout un cheptel qui est littéralement décimé quand on compte les très nombreux ovins sacrifiés. C'est que nous avons un rapport séculaire avec la viande à tel point qu'elle est devenue un signe extérieur de richesse que des familles étalent en énormes morceaux lors des fêtes et mariages. Il en est donc ainsi pour l'Aïd el-Adha où le plus gros, le plus cornu des moutons devient un signe de distinction, de domination sociale même. C'est toute l'humilité, la sagesse et la sincérité dans l'accomplissement de ce rituel qui fichent le camp. Place au paraître. Et bonne fête ! Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.