Engagement - Hamid Benamra est un réalisateur algérien. Bouts de vie, bouts de rêves est le titre d'un documentaire qu'il a réalisé autour d'un graphiste peintre algérien Mustapha Boutadjine. Ce dernier vit en France. Son travail consiste en l'exécution de portraits de personnalités engagées, tels Miriam Makeba (une chanteuse sud-africaine engagée contre l'apartheid), Angela Davis (une militante américaine communiste des droits de l'Homme), Kateb Yacine (écrivain algérien), Hassiba Ben Bouali (une martyre de la Révolution algérienne)... L'originalité de son travail – celui de l'artiste – tient dans cette manière de brosser les portraits de ces personnalités à partir de bouts de papier. Le travail de Mustapha Boutadjine se distingue par une technique particulière consistant à utiliser des bouts de papier de magazines de luxe pour en faire, en associant le graphisme, des œuvres d'une grande sensibilité. «C'est-à-dire comment détourner l'opulence de la bourgeoisie pour un produit plus engagé», dit-il, et d'ajouter : «Je vois en l'art de Mustapha Boutadjine une façon de mettre en lumière les rêves et l'idéal de tout un peuple à partir de produits véhiculant un rêve de consommation outrancier.» Sa rencontre avec l'artiste est peu ordinaire, voire insolite, car, explique-t-il, «elle nous révèle un artiste dont tout le travail se base sur la mémoire, puisqu'il réalise des portraits de grands personnages qui, par leur combat pour les libertés des peuples et leur droit à la citoyenneté, ont marqué notre histoire.» Ainsi, Hamid Benamra s'est intéressé au travail de Mustapha Boutadjine parce que ce dernier entretient et ce, par son art, un rapport à l'Histoire. Bouts de vie, bouts de rêves est un documentaire, mais il y a un côté fiction. A cela, Hamid Benamra dira : «Le propos qui intervient dans ce film est authentique (il s'agit donc d'un documentaire), donc il n'y a pas de direction d'acteur. Je n'interviens pas. Je laisse libre cours aux gens que j'aborde avec ma caméra. Ils sont libres de dire ce qu'ils veulent. Mais il est en effet filmé et cadré comme une fiction.» D'où la question : y a-t-il un rapport entre un documentaire et une fiction ? «Pour moi, le documentaire est la part de vérité où les gens disent des choses authentiques, donc pas écrites ni préparées, c'est-à-dire pas préméditées. Tandis que la fiction est, pour moi, la façon soignée et cadrée, précise et éclairée. C'est la façon, je dirai presque maniaque, de poser la caméra», explique Hamid Benamra pour qui, dans une fiction, «le cinéaste intervient, présente les choses comme un conte. C'est une narration personnelle». A la question de savoir si le cinéma est un prolongement de la réalité, Hamid Benamra répondra : «Il y a le cinéma spectacle qui est là pour divertir, et moi je ne suis pas là-dedans. Moi, je suis témoin de mon histoire. Les gens que je filme, je préserve leur présence. Parce que je les ai filmés à un certain moment de leur vie, j'ai eu cette chance d'être témoin de leur histoire.» Hamid Benamra vit en France et à aucun moment le réalisateur ne s'est senti loin de l'Algérie.«L'Algérie n'est jamais absente. Je la porte en moi, je suis un bout de l'Algérie, donc je ne suis jamais absent de moi-même. Et quel que soit l'endroit où je vais, j'emmène l'Algérie avec moi. L'Algérie est un hymne, un vécu, une histoire et, surtout, une révolution, donc porter un bout de tout ça est un privilège, comme c'est un privilège de filmer. Car quand je filme, je n'ai pas l'impression de travailler, j'ai conscience que c'est une chance, un réel privilège.»