Dans un village de la campagne russe vivait une petite fille qui n'avait plus de maman. Son père se remaria, mais il choisit une méchante femme. Elle détestait la petite fille et la traitait mal. «Comment faire pour me débarrasser de cette enfant ?», songeait la marâtre. Un jour que son mari s'était rendu au marché vendre du blé, elle dit à la petite fille : «Va chez ma sœur, ta gentille tante, et demande-lui une aiguille et du fil pour te coudre une chemise.» La petite fille mit son joli fichu rouge et partit. En route, elle se dit, comme elle était maligne : «J'irai d'abord demander conseil à ma vraie gentille tante, la sœur de ma vraie maman.» Sa tante la reçut avec bonté. «Tante, dit la petite fille, la nouvelle femme de papa m'a envoyée chez sa sœur lui demander une aiguille et du fil pour me coudre une chemise. Mais d'abord, je suis venue te demander, à toi, un bon conseil. – Tu as eu raison. La sœur de ta marâtre n'est autre que Baba-Yaga, la cruelle ogresse ! Mais écoute-moi : il y a dans son jardin un bouleau qui voudra te fouetter les yeux avec ses branches, noue un ruban autour de son tronc. Tu verras une grosse barrière qui grince et qui voudra se refermer toute seule, mets de l'huile sur ses gonds. Des chiens voudront te dévorer, jette-leur du pain. Enfin, tu verras un chat qui te crèverait les yeux, donne-lui un bout de jambon. – Merci bien, ma tante», répondit la petite fille. Elle marcha longtemps, puis arriva enfin à la maison de Baba-Yaga. Baba-Yaga était en train de tisser. «Bonjour ma tante. – Bonjour, ma nièce. – Ma mère m'envoie te demander une aiguille et du fil pour me coudre une chemise. – Bon, je m'en vais te chercher une aiguille bien droite et du fil bien blanc. En attendant, assieds-toi à ma place et tisse.» La petite fille se mit au métier. Elle était bien contente. Soudain, elle entendit Baba-Yaga dire à sa servante dans la cour : «Chauffe le bain et lave ma nièce soigneusement. Je veux la manger au dîner.» La petite fille trembla de peur. Elle vit la servante entrer et apporter des bûches, des fagots et des seaux pleins d'eau. Alors elle s'efforça de prendre une voix aimable et gaie, et elle dit à la servante : «Hé, ma bonne, fends moins de bois, et pour apporter l'eau, sers-toi plutôt d'une passoire !» Et elle lui donna son joli fichu rouge. La petite fille regarda tout autour d'elle. Un feu vif et clair commençait à flamber dans la cheminée, l'eau se mettait à chanter dans le chaudron, et bien que ce fût une eau d'ogresse, elle chantait une jolie chanson. Mais Baba-Yaga s'impatientait. De la cour, elle demanda : «Tu tisses, ma nièce ? Tu tisses, ma chérie ? – Je tisse, ma tante, je tisse.» Sans faire de bruit, la petite fille se leva, alla à la porte... Mais le chat était là, maigre, noir, effrayant ! De ses yeux verts il regarda les yeux bleus de la petite fille. Et déjà il sortait ses griffes pour les lui crever. Mais elle lui donna un morceau de viande et lui demanda doucement : «Dis-moi, je t'en prie, comment je peux échapper à Baba-Yaga ? » Le chat mangea d'abord tout le morceau de viande, puis il lissa ses moustaches et répondit : «Prends ce peigne et cette serviette, et sauve-toi.» (A suivre...)