Constat - Le cinéma algérien souffre-t-il d'une «crise de scénario» ? C'est autour de cette question qu'un débat a eu, lieu, hier, au forum d'El Moudjahid. Cette rencontre a été animée par deux experts, en l'occurrence Boukhalfa Amazit – il a contribué à plusieurs écritures de scénarios dont celui de Krim Belkacem actuellement en tournage – et Djamel Eddine Merdaci – président de la commission de l'écriture de l'aide à la production cinématographique (FDATIC). Tous deux se sont relayés, afin de diagnostiquer le mal qui ronge la production cinématographique. Cette pénurie est-elle due à l'absence de scénario uniquement ? Si Boukhalfa Amazit incombe à l'Etat la détérioration de l'industrie, Djamel Merdaci, lui, responsabilise, la société quant à la situation mitigée qui caractérise le paysage artistique dans son ensemble. Ainsi, pour Boukhalfa Amazit, «l'Etat a contribué à l'instrumentalisation du cinéma en produisant une culture conjoncturelle, faite sur commande, répondant au programme politique idéologique». Durant plusieurs années les pouvoirs politiques soutenaient une culture programmée plutôt qu'une culture créative. Boukhalfa Amazit reproche aux pouvoirs publics d'être derrière la fermeture d'au moins 420 salles de cinéma qui ont été détournées de leur vocation initiale. «Il revient à l'Etat de restituer les salles de cinéma et de restaurer la production culturelle, comme elle contribue à construire des usines et autres structures de production économique», a-t-il dit, et de poursuivre : «Les talents ne manquent pas. L'Etat doit intervenir dans la formation et l'institutionnalisation des écoles de scénaristes et même introduire des modules d'études à l'université. Il doit relancer le secteur non pour commander tel ou tel travail, mais agir en tant que soutien financier comme c'est le cas dans les autres domaines.» Boukhalfa Amazit, pour qui la production cinématographique en tant qu'industrie nécessite de l'argent, regrette que le manque de stratégie financière pénalise la création artistique. «Cela fait que les jeunes cinéastes ne produisent plus pour le public, mais seulement pour participer aux festivals de cinéma», a-t-il souligné. Quant à Djamel Eddine Merdaci, il évoquera, dans son intervention, le rôle manqué de la société. Il expliquera que cette dernière «ne s'implique pas dans le développement de la culture». «Le public ne réclame pas ses salles de cinéma qui constituaient, dans le passé, un espace de divertissement», a-t-il regretté, et de renchérir : «Le projet culturel doit être porté par la société conformément au principe de l'offre et de la demande. Il revient au public de définir le cadre culturel dans lequel il doit évoluer.» S'exprimant sur la problématique du manque de scénario, Djamel Eddine Merdaci précisera : «Nous pouvons confirmer que nous avons un potentiel. Cependant, l'écriture de scénario n'est pas considérée comme une profession qui assure à l'auteur une vie décente. Il est temps pour nous d'y remédier afin de pérenniser la profession. Notre génération a connu un cinéma de qualité, de nos jours les jeunes ne bénéficient pas du confort que procurait l'Etat, celui-ci ne s'engageant plus pour l'existence d'un cinéma comme expression artistique.» En sa qualité de président de la commission de lecture et d'aide à la production cinématographique, Djamel Eddine Merdaci a rappelé que le ministère de la Culture a initié un projet d'appel de formation en direction des jeunes désirant développer leur compétence en matière d'écriture de scénario. Le projet en question sera fin prêt dans les mois à venir.