Constat - Les vendeurs de Magtaâ Kheira, l'unique souk de la dinde au niveau national, sont installés ici depuis 2003. Dès l'entrée du semblant de marché de Douaouda, installé dans un grand hangar, nous avons l'impression d'être dans un autre monde. Rien ne semble fait comme il se doit. L'anarchie est le maître mot dans cet endroit. Il n'y a ni électricité, ni eau, ni congélateur. Cet espace est dépourvu du minimum de conditions d'abattage ou de vente : du sang partout, des carcasses de volaille amoncelées ici et là forment un véritable festin pour les mouches, la viande découpée est mise dans des bassines sales et laissée à l'air libre. D'énormes dindes à peine abattues à la chair encore fumante traînent sur les étals, des amas de plumes mêlées à des excréments jonchent le sol. A 10 heures, à notre arrivée, les vendeurs étaient en pleine opération d'abattage, sans se soucier de l'insalubrité des lieux... «J'écoule plus de 40 dindes par jour, ce qui reste je le propose, moi-même, en fin de journée, aux bouchers», nous dit un commerçant. «On vend ici sur commande», ajoute un autre. Difficile d'avoir plus d'informations, ces vendeurs sont méfiants et refusent de communiquer. Pourtant, nous nous sommes fait passer pour des clients. Un peu plus loin, nous avons pu observer un groupe de jeunes dont des écoliers en train de déplumer les dindes moyennant 70 DA chacune. «Je gagne en moyenne entre 600 et 700 DA par jour», nous confie un jeune en 3e année moyenne natif de Douaouda. «Ici nous sommes payés suivant le rythme de travail», a ajouté un autre. La plupart d'entre eux travaillent ici pour pouvoir se payer les vêtements de l'Aïd et les fournitures scolaires. D'autres jeunes bricoleurs ramassent les restes et les déchets mêlés avec des plumes dans des brouettes pour les transporter dans des fosses, non loin de ce hangar, un lieu d'enfouissement créé anarchiquement par ces commerçants. Interrogé sur cette situation, l'adjoint au maire de Douaouda, Mohamed Dnidni, nous explique que ces vendeurs activent depuis 2003 sur une décision délivrée par les autorités locales. Seulement, dit-il, depuis quelques années cette activité a connu une régression, en raison du manque d'hygiène et le non-respect des règles d'abattage. Sur instruction du wali, l'APC de Douaouda a construit 38 locaux pour déloger ce marché de la rue. «Nous avons proposé une vente aux enchères pour la gestion de ces locaux par un privé et nous avons exigé de meilleures conditions de travail, voire un espace dédié à l'abattage et à la vente. L'ouverture des locaux était prévue pour ce ramadan mais nous n'avons pas encore construit un lieu pour l'abattage. Les nouveaux bénéficiaires doivent honorer leurs dettes cumulées avant leur relogement. Ces derniers n'ont pas payé la location des étals depuis une dizaine d'année » a ajouté cet élu. Par ailleurs et à la sortie de ce marché, un client habitué des lieux puisqu'il s'alimente en viande blanche depuis quelques années nous révèle avec un large sourire : «J'ai acheté une dinde à 4 000 DA que je vais découper en morceaux pour en consommer chaque jour du Ramadan n'hésitez pas madame, c'est frais !».