Souffrance - L'identification d'une personne, disparue depuis longtemps, est vécue comme un «soulagement» de la part des proches, mais il n'empêche qu'elle ravive des douleurs atroces demeurées vives. Le témoignage de Khadidjatou Salma Daf, une Sahraouie dont le père et le frère, disparus depuis 1976, ont été identifiés récemment le confirme. Khadidjatou est inconsolable : les larmes ne se sont quasiment pas taries depuis qu'elle a commencé à évoquer son père et le moment où ses sœurs aînées lui ont annoncé avoir reconnu les affaires qu'il portait, lorsqu'il y a 37 ans, il avait été criblé de balles par l'armée marocaine. Pendant près de quatre décennies, la famille de Khadidjatou aura vécu dans une terrible incertitude, ne connaissant pas le sort des siens, «s'ils étaient encore en vie ou pas» et submergée par d'incessantes interrogations, assure-t-elle. «Aujourd'hui, nous pouvons enfin faire notre deuil. Il est important qu'on sache enfin la vérité, que l'on puisse enterrer nos proches et nous recueillir sur leurs tombes lorsqu'on le souhaite», confesse-t-elle, à l'APS, comme dans un signe de lassitude que traduirait une longue attente. Les ossements de son père et de son frère, âgé à l'époque de 14 ans, ont été retrouvés au milieu de deux fosses, découvertes par hasard par un berger dans la région d'Amgala dans les territoires libérés du Sahara occidental et à environ 1 km du mur de séparation avec les territoires occupés. L'identification aura nécessité quelques mois d'expertise et d'analyses par un panel international de légistes qui a conclu à une mort «brutale» et à des exécutions par balles pour tous les cadavres retrouvés dans les fosses (huit dont deux adolescents). Le second adolescent n'étant autre qu'un cousin de Khadidjatou, lequel accompagnait son père et son frère, le jour de leur mort : «Selon les témoignages de mes frères et sœurs aînés, ils étaient sortis dans les pâturages avec un troupeau de chèvres et n'en sont jamais revenus. Mon père, m'a-t-on alors affirmé, n'avait rien à voir avec la politique et n'avait pour seul souci que de trouver comment nourrir sa famille !», raconte-t-elle dans un profond soupir. Khadidjatou avait 3 ans à l'époque de la disparition. L'absence de ce père dont elle ne garde aucun trait du visage en mémoire et qui n'a pourtant jamais déserté ses pensées, a créé en elle un «profond» sentiment de carence affective. «A chaque fois que je vois un père tenir par la main son enfant, cela me rappelle que je suis privée du mien depuis presque une éternité !», lance-t-elle, au milieu de chaudes larmes. Les impacts de balles, selon les résultats des analyses, ont été retrouvés sur le cou et la tête du père et du frère, rapporte Khadidjtou, ce qui dénote que les forces de sécurité marocaines n'avaient pas tiré à «l'aveuglette». «Pourquoi cette injustice, exécuter aussi lâchement des innocents dont deux enfants ? Quel était leur crime ? Ne sommes-nous pas unis par la même religion que les Marocains ?», s'indigne-t-elle.