Déclaration ■ «J'en appelle à l'ensemble de la communauté nationale (et) internationale (...) à nous accompagner sans a priori pour gagner le challenge d'une transition apaisée». C'est ce qu'a déclaré, hier, après sa désignation comme Premier ministre, actant le maintien de l'armée au cœur du pouvoir au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida. Celui-ci doit commencer ce jeudi la formation de son équipe. Le gouvernement œuvrera «en toute humilité» et «dans un engagement sacerdotal et patriotique» afin de «redonner confiance» au peuple par son «ardeur au travail», son «don de soi» et l'absence de «calcul égoïste», a-t-il affirmé. A peine nommé par un décret du nouveau président intérimaire Michel Kafando, investi avant-hier, le militaire donne donc des assurances. Sa désignation semble, en effet, contraire aux vœux affichés par la communauté internationale, qui souhaitait une transition strictement civile après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue le 31 octobre après 27 ans de règne. Isaac Zida, depuis lors au pouvoir, ne pourra, à l'instar de M. Kanfando, être candidat à l'élection présidentielle ni aux législatives de novembre 2015, qui marqueront la fin de la transition. Mais il dispose du pouvoir important de nommer les 25 membres du gouvernement, dont il communiquera la liste «au plus tard dans les 72 heures», a-t-il indiqué. «Il va falloir voir dans quelle mesure cette nomination est de nature à changer l'orientation de la transition», a commenté Siaka Coulibaly, politologue et membre de la société civile. La charte de transition, Constitution intérimaire entérinée par l'armée et les civils dimanche dernier, n'a pas défini les attributions du Président et du Premier ministre, a-t-il observé. «On ne sait donc pas si le Premier ministre est un fusible protocolaire, ou s'il aura véritablement du pouvoir», a analysé M. Coulibaly. Pour un diplomate en poste à Ouagadougou, la réponse est évidente : «Personne ne va se tromper, c'est (Zida) qui va diriger le pays». «Ce n'est pas la gueule de bois mais il y a un peu de ça», a réagi le diplomate, après l'ivresse d'une transition civile pour l'instant exemplaire. «La question des sanctions», déjà envisagées par les partenaires du Burkina Faso pour contraindre l'armée à remettre le pouvoir aux civils après le 31 octobre, «pourrait se reposer», a-t-il estimé. De nombreux acteurs civils souhaitent voir les partis pro-Compaoré exclus de ce gouvernement. Hier, après la nomination de M. Zida, le parti du président Blaise Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), s'est fendu d'un mea-culpa. Il a reconnu avoir commis «une erreur d'appréciation» en poursuivant le projet de révision de la Constitution, qui devait permettre le maintien de M. Compaoré au pouvoir. La société civile reste vigilante, préférant attendre ses actes pour juger Zida. Plusieurs de ses membres dénoncent toutefois une «entente» entre opposition et armée, dont la société civile a été exclue, qui a permis l'attribution du poste de Premier ministre à un militaire. Dans les faits, le nouveau Premier ministre avait déjà pris la main dans des domaines publics importants. Mais le Burkina Faso reste un pays pauvre, aux faibles ressources, qui ne peut se passer de l'aide extérieure.