Projection ■ Ça bouge dans le cinéma algérien. De nouveaux talents, des ambitions, des thèmes pluriels et voici donc le renouveau cinématographique. De jeunes réalisateurs et réalisatrices donnent un nouveau souffle au septième art, empruntant le chemin de leurs aînés qui ont fait la part belle à la production filmique. Kamel Laïche en fait partie. Ceux-là qui ont pris le taureau par les cornes avec cette volonté de création artistique par l'image, ayant donné, entre autres, le premier long métrage du réalisateur, Mista, dont ce dernier dira qu'il «a été réalisé en six semaines avec un budget minime». Mista, c'est ce bord de mer algérois squatté par des marginaux, des écorchés de la vie et des incompris s'adonnant à la boisson. Gros rouge et bière coulent à flots dans les gosiers, remplissant la panse et occasionnant l'ivresse et l'oubli. De pauvres gueux, quoi ! D'un autre côté, c'est Alger des années 90, un quartier populaire, pour ne pas dire populeux. Des maisons modestes subsistant avec de maigres salaires, mais l'on vit. Mourad, quinquagénaire, trime pour donner à sa famille un semblant de vie décente. Il est cafetier dans la journée et...marchand clandestin de vin, avec son copain de quartier, Nabil. Ils se font un deu-xième salaire en contribuant aux souleries de leurs clients. Les hommes avinés ne regardent pas aux sous. Ce sont ces pièces de monnaie, amassées une à une, au péril de leur vie, qui, espèrent-ils, vont leur ouvrir les portes de la prospérité avec l'achat d'une buvette. Ce qui n'arrivera jamais, puisqu'ils font dans le commerce illicite devant Dieu. Nabil sera égorgé pour avoir bravé les interdits en cette période de tourmente et de terreur. Tout n'est pas noir dans Mista, puisque on rencontre des personnes qui continuent à croire en l'art et la culture. Des mordus du théâtre, comme ce jeune homme sauvé de la noyade après une soirée bien arrosée aux côtés des habitués de la taverne à ciel ouvert.Mourad, aiguillonné par le jeune acteur, se lance dans l'aventure pour remonter sur les planches. Un regain de vie pour ce père de famille tourmenté pour ne pas avoir réussi à offrir un bien-être à ses enfants. Tout ne sera pas comme il espérait, l'aventure des planches ne verra jamais le jour. Il continuera à vivoter, mais sans Nabil. Prenant le cas de la décennie noire, qui est «relatée de manière contenue dans le film», question relevée par deux spectateurs, le réa-lisateur n'hésitera pas à répondre que sa vision à lui était «de raconter cette période à sa façon, comment lui l'avait vécue. Je ne me permettrais pas de faire dans le sensationnel ni de fantasmer. Je reste dans ma réalité». A l'encontre d'une spectatrice qui a relevé le fait dans le film qu'il y a une sorte de capitulation du monde de l'art face à la terreur, Kamel Laïche répondra : «Le monde des arts n'a jamais pu venir à bout de l'anarchie et cela à travers toute la planète... C'est un film de la réalité que j'ai voulu.» L'homme de théâtre, dont c'est la première expérience dans le cinéma et le long métrage a admis «la longueur de certaines scènes ainsi que la durée des silences». Sinon, il n'a cessé de répéter qu'il a fait un film de la réalité. L'assistance, en un même avis, a félicité Kamel Laïche sur une distribution 100/100 algérienne. Mista est une coproduction AARC et Kouiret Production avec le soutien du ministère de la Culture et du FDATIC. Né en 1968 à Constantine, Kamel Laïche est détenteur d'un diplôme d'études supérieures en arts dramatiques, option «Critique de théâtre». Membre de l'Office national des droits d'auteur, il a écrit plusieurs textes de théâtre et de scénarios de longs et courts métrages, dont Mista, Papillon et Un banc c'est plus sûr qu'un siège. Papillon en est à son deuxième film après Mista, premier long métrage réalisé en 2012. En plus du cinéma, Kamel Laïche est aussi metteur en scène de théâtre.