Bilan n Depuis l'ouverture du Centre intermédiaire de soins en addictologie (Cisa) de la wilaya de Tipasa, en 2011, plus de 650 patients ont été pris en soins, dont un taux de près de 60 % en phase de rémission ou sont toujours dans un projet de soins. Selon le coordinateur de cette structure de grande importance, Dr Mohamed Hamani, 64 jeunes ont été accompagnés dans des processus de réinsertion socioprofessionnelle et près de 9000 jeunes ont été approchés par des actions de prévention en mode interactif (travaux d'atelier, groupes de paroles, jeux de rôle, expositions, espaces d'expression libres, dessin et peinture, etc.). Le nombre de patients recrutés est en constante hausse, selon Dr Hamani. En 2015, une augmentation sensible a été relevée. Ceci est forcément dû à l'amélioration notable des résultats obtenus dans la prise en soins de ces patients et dans la réduction des risques liés aux pratiques addictives «et ce, à travers le développement d'une meilleure approche, une harmonisation des actes et l'émergence d'un sens dans la relation ‘'l'intuition'' au détriment de la certitude», a expliqué Dr Hamani. Dans sa stratégie de travail, le Cisa engage une lutte contre l'usage de substances psychoactives à travers l'information, l'éducation et la communication, notamment en direction des jeunes. Nous avons rencontré de jeunes patients en cours de traitement ou de rémission. Ils disent se sentir beaucoup mieux comparativement aux périodes de consommation de drogues et de psychotropes. Ces derniers ont été à l'origine de la dissolution familiale et de déstabilisation psychosociale. Nous avons également eu l'occasion de nous entretenir avec des mamans de ces patients. Elles se sentent elles aussi mieux et soulagées, depuis la stabilisation de la situation de leurs enfants victimes de toxicomanie, «le cordon ombilical ne se coupe jamais. El hamdoullah je suis capable d'accompagner mon enfant jusqu'au bout. Il est malade. Je ne dois pas le laisser tomber», disaient la majorité des mamans lors d'un groupe de parole tenu au sein du Cisa à l'occasion de la Fête des mères. Intervenant récemment lors d'une rencontre, Dr Mohamed Hamani a résumé la manière d'une prise en charge d'une addiction : «c'est un travail d'équipe, avec des actions cohérentes où le patient est accompagné par un médecin référent. Ce dernier coordonne la prescription des actes en fonction des besoins en y joignant ainsi des soins à visée médicale, psychologique et socio-éducative. Ces interventions veulent prendre soin des personnes et les aider à prendre soin d'elles-mêmes. Elles s'enrichissent toujours par la qualité des relations de confiance et de collaboration d'abord entre soignants et avec eux-mêmes». S. L. «Nul n'est à l'abri» l Nul n'est à l'abri de ce genre de phénomène selon Farida, âgée de près de 70 ans. Elle est venue avec son fils Mohamed de la wilaya de Batna, à plus de 500 km «il ne faut pas que la femme se dise qu'elle a très bien éduqué son enfant et qu'elle est à l'abri de ce genre de problèmes. Nous sommes une famille aisée, qui habite dans un quartier résidentiel avec un père de famille calme. Mais voilà, je suis là aujourd'hui ici», nous lancera-t-elle avec sa douce voix «je ne lui refusais jamais de l'argent. Il a été trop gâté. Surveillez vos enfants svp», a-t-elle déclaré «je ne lâche pas prise. Je continuerai à me battre contre la drogue afin de récupérer mon enfant. Mon fils était un brillant et intelligent élève au Cem, au point qu'un journal lui avait consacré un article. C'était un génie de l'outil informatique» a-t-elle repris. Venue pour le Rendez-vous de contrôle de son fils chez Dr Yahiaoui, cette maman nous a résumé son problème. Le recul du niveau scolaire de son fils et le grand tatouage au bras étaient à la base de son grand doute. Elle avait aussi l'habitude de fouiller tous les jours ses enfants «j'ai été surprise de trouver un morceau de couleur marron. Je ne savais pas ce que c'était. Je l'ai montré à un policier ami de la famille. Il m'a choquée en m'annonçant que c'était ‘'el mousiba'' (kif) alors que selon les films je croyais que la drogue était de couleur blanche. J'ai failli faire une dépression surtout quand il commençait à devenir violent. Il a saccagé le véhicule de son père. Il a été accueilli à l'hôpital psychiatrique pendant 6 mois avant la récidive» se rappelle-t-elle. S.L La contribution du Croissant-Rouge l Une première pour le Croissant-Rouge algérien (Cra) : Une journée d'initiation aux premiers secours a été récemment organisée au profit d'une trentaine de jeunes inscrits aux soins au niveau du Cisa. Le médecin responsable par intérim Dr Anteur lallia estime que cette journée est une forme de thérapie au profit de ces patients. Après la réussite de cette expérience, le secouriste formateur au Croissant-Rouge Sebbar Mustapha Kamel, souhaite voir généraliser ce type de formation vers d'autres centres de soin en addictologie «nous voulons donner plus de volonté à ces jeunes à être des gens ordinaires capables de sauver d'autres et afin qu'ils aient des réactions citoyennes envers autrui», nous a-t-il indiqué en marge de la formation à laquelle Infosoir a participé. Les bénéficiaires se disent soulagés de sortir de la routine et de se voir aussi en cours de préparation pour une vie ordinaire. Ils ont loué l'initiative «depuis que je suis au niveau de ce centre, je me sens beaucoup mieux. On nous prépare au secourisme. Je les remercie», nous dira un bénéficiaire de Bou Ismail. S.L Tramadol et Codeine l Concernant les substances consommées, le staff du Cisa a noté selon Dr Hamani l'existence de produits de synthèse et de médicaments tels que le «Tramadol» et la «Codeine», qui sont des antalgiques morphiniques, et le Lyrica (Prégabaline), un antiépileptique et antalgique «ces produits ne sont pas soumis au contrôle spécial lors de leur vente en officine», a-t-il révélé. Selon des experts, c'est le «kif», en tant que perturbateur de l'humeur, qui pousse vers les drogues dures. Toutefois, Hamani voit la nécessité de continuer à mener une réflexion permanente pour évaluer et répondre à la demande de la population en matière de prévention et de soins et d'éviter les processus d'exclusion et de fracture sociale et d'adapter des lois en adéquation avec ces projections. Il y'aurait 1million de consommateurs et 300 000 toxicomanes en Algérie selon une enquête 2012 de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Onlcdt). En 2015, le bilan fait état de 200 tonnes de cannabis interceptées aux frontières.