Décadence n Les zaouïas ont aujourd'hui du mal à susciter l'intérêt des populations locales après avoir été des centres culturels du savoir et du rayonnement. Ces espaces religieux hérités de nos ancêtres ont perdu de leur aura après avoir tant donné à la société et à la civilisation musulmanes. Elles n'attirent plus grand-monde et ne sont visitées que par quelques citoyens à la recherche de la «la baraka», alors que jusqu'à un passé récent les zaouïas étaient des lieux de pèlerinage des personnes venant de tout le territoire national. Pour redevenir attractives et encourager les parents à y envoyer leurs enfants, les zaouïas «doivent engager une modernisation de leurs programmes et méthodologies d'enseignement pour les rendre plus efficaces», estime à ce propos l'inspecteur central au ministère des Affaires religieuses et des Waqfs. «Le lancement de classes préscolaires en plus de l'enseignement du Coran, permettant à l'enfant d'acquérir des connaissances dans certains domaines (langue, calculs), d'être préparé à se lancer dans le cursus scolaire et l'organisation de cours de soutien pour aider les élèves à améliorer leur niveau, pourraient convaincre les parents de l'utilité d'y envoyer leurs enfants», explique Saib Mohand Ouidi. Les autorités ont, en tout cas, affiché l'ambition de faire revivre ces lieux de rayonnement des valeurs spirituelles de l'Islam, basées sur la paix et la tolérance pour jouer un rôle principal dans l'avenir des nouvelles générations. Les participants au colloque sur les uléma de la région de Zouaoua en Kabylie ont lancé, à ce titre, un appel aux chercheurs pour se pencher sur les travaux des nos uléma afin de les faire sortir de l'oubli. Et de transmettre leur savoir à nos jeunes pour qu'ils puissent s'en abreuver et pour qu'ils soient fiers de leurs ancêtres, s'y identifient et s'y réfèrent. Les intervenants ont insisté sur la nécessité de dépoussiérer et de vulgariser les travaux de ces hommes de culte pour prémunir la société de la manipulation étrangère et de l'obscurantisme. Abderrahmane Mostefaoui, responsable de la coordination des zaouïas, a relevé dans ce sens que «la religion ne doit pas être dissociée de la science», car, a-t-il argumenté, «l'enseignement de l'un doit aller de pair avec l'enseignement de l'autre afin de préserver les générations des courants obscurantistes». La contribution des zaouïas de la wilaya de Tizi-Ouzou qui en compte 18 au total fondées entre le VIIe et le VIIIe siècles de l'hégire, dans la diffusion du savoir cultuel et scientifique et leur implication dans le combat contre le colonialisme français, et dans la préservation de l'unité nationale et de l'identité algérienne, ont été largement mis en relief lors de cette rencontre. Elles avaient un ascendant certain sur la société tout entière en intervenant dans la vie sociale, prodiguant des conseils et des conduites conformes à la religion. En véritables institutions, les zaouïas intervenaient dans tous les sujets pour régler des conflits grâce au dialogue et en prônant la réconciliation et le pardon. A.B. C'est quoi le référent religieux national ? Avis n «Le référent religieux est le creuset devant rassembler et unifier les Algériens, et dans l'esprit duquel nous nous concertons en cas de différend», a affirmé M. Aïssa. «Il s'agit d'une méthodologie civilisée et non un référent d'exclusion», a-t-il estimé. Pour Mohammed Aissa, «le référent religieux national ne diffère pas de celui du monde musulman, en tant que source authentique au service du pays». Mais qu'est ce que c'est le rite malékite auquel se réfère la société algérienne ? Le malékisme est l'une des quatre écoles classiques du droit musulman sunnite, fondé par l'imam Malik Ibn Anas, né à Médine. Ce rite est largement diffusé en Afrique du Nord. Il est suivi par environ 20% de la population musulmane dans le monde. Cette école diffère des trois autres écoles par les sources qu'elle utilise pour déterminer la jurisprudence. Si les quatre écoles utilisent toutes le Coran, la Sunna, ainsi que l' ijma (le consensus des compagnons du Prophète (QSSSL), le malékisme utilise également les pratiques des premiers habitants musulmans de Médine (Amal ahl al-medina) comme source de la jurisprudence islamique et fait grand cas de la tradition du Prophète (QSSSL) tout en prenant en considération l'intérêt général. Avant 1830, l'Islam algérien connut trois formes majeures de religiosité à commencer par l'islam traditionnel qui développait et perpétuait principalement le rite malékite, un culte des saints qui insistait sur l'Islam mystique très populaire (pèlerinages, pratiques thérapeutiques…) et l'islam confrérique structuré et fortement implanté dans les villes et surtout les campagnes. Depuis l'émergence de l'islamisme extrémiste basé sur le fondamentalisme wahhabite, les autorités algériennes tentent de réactiver le courant malékite pour combattre les idées destructrices du wahabisme d'où l'initiative d'animation, par des imams, d'émissions religieuses télévisées, sur les chaînes publiques et privées, portant sur les préceptes de cette école. Le but est de lutter contre la diffusion de tous courants de pensée doctrinaux en Algérie ayant la volonté de saper le socle unissant les Algériens ou d'ébranler ses principes. Historiquement, un malékisme rigoureux dominait au Maghreb jusqu'à l'arrivée des Fatimides (910) qui voulurent imposer le shiisme ismaelite. Boumediène Bouzid, directeur de la culture islamique au ministère des Affaires religieuses a, à ce propos, affirmé que les Algériens ont eu, de tout temps, un comportement modéré avec les courants religieux, loin de l'extrémisme et du fanatisme. Bouzid a souligné que malgré leur attachement à l'école Malékite, les Algériens ont rejeté le «takfir» des autres courants, citant cheikh Echougrani, un des descendants de l'Imam El Houari d'Oran qui a écrit un livre sur le rejet de l'idée de Takfir des musulmans quelles que soient leurs différences. L'intervenant a appelé, dans ce même ordre d'idées, à débattre de sujets profonds dont celui des écoles de fiqh (jurisprudence) par des élites spécialisées loin de toute distension et de manière souple, avant d'exhorter les médias à faire appel à des journalistes spécialistes pour traiter de sujets religieux sensibles, de même que former des imams et des enseignants des sciences de la chariâa pour éviter tout clivage menaçant l'unité de la société.