Paradoxe Tristes, les fidèles de l?ex-président sont quand même soulagés et espèrent le retour de la paix. En larmes mais soulagés, les fidèles du désormais «ex-président» libérien Charles Taylor se sont massés lundi à l'aéroport international Robertsfield (50 km à l'est de Monrovia) pour lui faire leurs adieux. Pour ces milliers de Libériens qui espèrent que le départ de M. Taylor pourra ramener la paix après 14 ans de guerre civile quasi ininterrompue, sa démission et son départ en exil au Nigeria laissent un goût doux-amer. «Nous vous aimons, mais partez, s'il vous plaît !», chantait la foule rassemblée aux abords de l'aéroport, tenue à distance par des soldats de la paix nigérians se réjouissant, eux aussi, d'un départ qui pourrait leur faciliter la tâche. Dans l'aéroport même, les proches de l'ancien chef d'Etat sont tout aussi émus, mais ils ne mâchent pas leurs mots. «C'est un viol de la démocratie», crache le porte-parole de Taylor, Vanii Paasewe, selon lui désormais promu «ambassadeur adjoint du Liberia» à Abuja. Le ministre de la Santé, Peter Coleman, est en larmes et même le général Momo Geebah, dit «Bulldog», terreur des Libériens et chef des ATU (Unité antiterroriste), la garde prétorienne de Charles Taylor, sanglote en voyant son ancien maître sur le départ. Charles Taylor, qui s'est comparé à Jésus et à l'agneau du sacrifice juste avant de passer les rênes du pays à son vice-président Moses Blah deux heures auparavant, pleure lui aussi. Malgré toute l'affection qu'ils portent à leur ancien président, la plupart de ses partisans estiment que sa décision est salutaire, seule à même de permettre un accord de paix avec la rébellion qui assiège Monrovia depuis deux mois et contrôle les quatre-cinquièmes du pays. La démission de Charles Taylor est historique à plus d'un titre, souligne Sando Davis, un badaud de 32 ans : «C'est bon, parce qu'au moins, nous avons un ex-président en vie.» Dans l'histoire du Liberia moderne, depuis 1943, aucun chef d'Etat n'avait, jusqu'à présent, quitté le fauteuil présidentiel en vie. Le son des réacteurs du Boeing de la République fédérale du Nigeria qui emmène Taylor et sa famille en exil est déjà inaudible, mais la foule continue de chanter ses adieux à l'aéroport.