Obligation Ces jeunes Algérois passent toutes leurs journées du matin au soir, au marché Clausel d?Alger pour vendre les dioul et le pain que leur mère prépare traditionnellement. Adossé au mur du marché, à ses côtés une caisse sur laquelle est posé un sachet où s'entasse une énorme quantité de dioul, l?adolescent affiche des yeux bouffis et un visage cerné, signes qu?il ne dort pas assez. «Dioul de qualité à 25 DA seulement pour vous mes dames», lance Nabil de sa voix puérile aux centaines de citoyens qui se bousculent pour faire leurs courses. L?emploi du temps de Nabil est chargé. Chaque jour, vers 8h30, il s?installe avec son ami Rabah, qui vend des galettes de pain que sa mère prépare aussi. Les deux amis déposent leur caisse juste à l?entrée «pour accrocher le plus de clients» et tentent de vendre le maximum de leur «précieuse» marchandise. «Il faut assurer ses ventes et son argent, précise Rabah. Mon père est débordé, je suis issu d?une famille nombreuse, le salaire d?un fonctionnaire ne suffira jamais pour vêtir 5 gosses !» Nabil acquiesce pour appuyer les dires de son compagnon : «Moi, j?ai 7 frères. Que dire !» Exclus du lycée il y a tout juste deux ans, Nabil et Rabah chôment. Ils n'ont suivi aucune formation faute de moyens et surtout parce que le besoin d?argent se fait pressent. De temps à autre, lorsque les occasions se présentent, les deux camarades de classe se permettent quelques bricoles, histoire de se faire de l?argent de poche. Cependant, la vente des diouls et des galettes de pain préparés traditionnellement à la maison est un rituel qu'ils sacralisent tous les ramadans. «Vous savez, ma mère est une véritable artiste, ses dioul sont un délice. La preuve : nous comptons de nombreux clients, même les commerçants du coin. Je commence par les épiciers qui me commandent une quantité importante, le reste je le vends.» D'ailleurs, khalti Ouardia jouit d'une notoriété dans le quartier. Plusieurs voisins frappent à sa porte chaque jour pour préparer leurs bourek avec ses dioul. L?argent gagné va particulièrement à l'achat des vêtements de l'Aïd et la subvention des dépenses du mois de jeûne. «Mon père est un fonctionnaire, son salaire est insuffisant, donc, moi et ma mère sommes obligés de travailler, sinon mes frères n'auront pas leurs habits neufs, du moins pas tous.» Il faut dire que les deux gosses sont connus et ont leur clientèle attitrée.