Résumé de la 2e partie Avec le temps, l'idée d'un crocodile algérien va se déplacer du nord vers le sud. Les siècles ont passé... Juba II est mort depuis longtemps et son royaume a disparu. Disparus aussi le temple et le crocodile qu'il y avait placé jadis, pour prouver que le Nil prend sa source dans son royaume? Mais peut-être que ce crocodile n'a jamais existé, peut-être qu?il ne s?agit que d'une fable à mettre au compte des Berbères qui, dira Ibn KhaIdoun, racontent tellement de contes et de légendes. Pourtant, le récit que nous avons rapporté que nous avons aussi romancé s'inspire du témoignage d'un auteur romain, plutôt réputé pour son sérieux : Pline l'Ancien. Un autre auteur de l'Antiquité, Pausianas, soutient l'existence de crocodiles dans les sources de l'Atlas, des crocodiles de petite, taille, qui ne mesurent pas plus d'une coudée (1 mètre environ). Dès que les hommes s'en approchent, écrit Pausianas, ils se jettent dans l'eau. On s'est longtemps gaussé de ces mini-crocodiles, de surcroît craintifs ! Des auteurs modernes soutiendront que ces prétendus crocodiles ne sont que des varans, ce lézard géant, qui peut justement donner l'impression d'un crocodile? Avec le temps, l'idée d?un crocodile algérien va se déplacer du nord vers le sud. Après réflexion, même le «crocodile» de Juba lI pouvait provenir du désert. Dans son beau livre sur le Tassili, Malika Hachid, à qui nous aIlons emprunter l'essentiel de notre information, écrit, à propos de ce crocodile : «Quand on sait que les limites méridionales de la Maurétanie césarienne atteignaient à peine les Hauts- Plateaux, on se demande d?où, précisément, ce saurien a pu être rapporté et si justement, profitant de possibles microclimats, cette espèce, déjà quelque peu relicte, ne s'est pas maintenue sur les marges septentrionales de ce désert, dans une oasis inconnue de Césarée.» Au milieu du XIXe siècle, relisant les auteurs anciens, les Européens ont de nouveau discuté la question de la survivance du crocodile au Sahara algérien. En 1858, soit vingt-huit ans après la conquête d'AIger, le baron français, Aucapitaine, lance des recherches. lI ne se rend pas au Sahara, à l'époque interdit pour les Européens, mais il recueille de précieuses informations auprès des Touareg qu?il a pu rencontrer. Et ces informations vont dans le sens de l'existence d'un crocodile au Tassili. Selon lui, des crocodiles ont été signalés dans l'oued TikhammaIt et à l?embouchure de l?oued Imihrou. Les environs de ce derniers seraient entourés d'une végétation luxuriante que les Touareg doivent couper à la hache pour y pénétrer : un vrai paysage de jungle sud-américaine en plein Sahara. Les crocodiles du baron Aucapitaine sont très agressifs et s'attaquaient aux bêtes de somme ainsi qu'aux jeunes chameaux. Des esclaves, qui, dans les caravanes, étaient chargés de puiser l'eau dans l'oued, auraient péri sous le coup de dents des monstres. Plus tard, à l'appui de ces témoignages, vont s'ajouter d'autres : des Touareg vont exhiber les blessures que leur auraient infligées des crocodiles. Toujours selon des témoignages, les crocodiles du Tassili ne sortaient sur les berges des oueds qu'au printemps. En hiver, ils se terraient dans des grottes sous-marines des oueds et des lacs. ll est vrai que tous les lieux indiqués correspondaient aux parties les plus humides du Sahara où des crocodiles pouvaient donc vivre... (à suivre...)