Le lendemain, ce fut une pièce bassin où nageait une myriade de poissons aux formes et aux reflets fantastiques. Le surlendemain, elle découvrit une bibliothèque où les livres les plus rares, les plus beaux s?ouvraient d?eux-mêmes à son approche, comme pour l?inviter à voyager aux merveilleux pays de la connaissance. Une autre chambre passionna longtemps la jeune femme, c?était la salle de musique tous les instruments y étaient entreposés, il suffisait à Tassadit de les toucher pour les entendre interpréter les plus belles mélodies ou les musiques les plus entraînantes. C?est ainsi que le prince découvrit, chaque jour, grâce à sa femme, les saveurs de la nature, les merveilles de la culture et les délices de la musique. Peu à peu, les portes que la jeune femme poussait avec ravissement jour après jour, finirent par la lasser malgré les merveilles qu?elles cachaient. Le prince s?en aperçut et un soir lui demanda : «Tassadit tu t?ennuies déjà dans mon palais ?» La jeune femme avoua : «Je me languis de mes parents et de mes s?urs, parfois, je les imagine fort inquiets de ma soudaine et longue disparition !» Le prince, affectueusement, lui proposa de l?emmener avant le lever du soleil rendre visite à sa famille. A la joie que Tassadit montra, il comprit combien la jeune femme avait dû souffrir de la séparation des siens. Avant les premières lueurs du jour, Tassadit fut transportée par le prince-oiseau de ses ailes puissantes, froissant la robe noire de la nuit. Quand elle ouvrit les yeux, elle était parmi les siens, elle leur raconta avec force détails son aventure. Elle décrivit avec passion le palais et ses merveilles, éveillant ainsi, sans le savoir, la jalousie de ses s?urs. L?aînée, d?ailleurs, ne tarda pas à lui adresser des reproches : «Tu vantes les beautés du palais, tu es intarissable sur tes belles toilettes, mais tu ne nous as jamais parlé de ton mari !» «Oui, reprit la puînée des s?urs, comment est donc ton mari ?» «Mon mari, commença Tassadit, est doux et très aimant» «Bien, interrompit la troisième des s?urs, comment est-il physiquement ?» Tassadit avoua, alors, à la stupeur de tous qu?elle n?avait jamais vu son mari et, elle leur raconta la triste histoire du fils de l?orage et de la neige. La quatrième s?ur, qui n?était pas la plus bête, lui proposa :«Tiens, prends cette petite bougie ; tu la cacheras, toute allumée au fond d?une jarre que tu couvriras d?une soucoupe, avant de te coucher, tu poseras cette même jarre à ton chevet, quand ton oiseau de mari s?endormira à tes côtés, tu soulèveras sans bruit la petite assiette et la lumière de la bougie éclairera assez pour que tu puisses au moins distinguer ses traits». A ce moment précis, le feu s?élança de la cheminée et crépita : «Elles veulent briser ton foyer, elles veulent ton malheur !» Le chat, qui somnolait près de l?âtre, miaula : «Elles veulent briser ton foyer, elles veulent ton malheur !» Les petites chèvres reprirent, à leur tour, de toutes leurs forces dans la cour : «Elles veulent briser ton foyer, elles veulent ton malheur !» Comme Tassadit pouvait seule percevoir ces voix, elle répondit à ses s?urs : «J?ai fait serment de ne jamais chercher à voir mon prince !» Les s?urs, ensemble, éclatèrent de rire et ne cessèrent pas, un seul instant, de se moquer de sa crédulité. Une nuit, le vent se mit à souffler. Les arbres, tels des enfants obéissants, opinaient de la tête. La neige fouettait depuis peu la pauvre maisonnette du potier quand on entendit la voix d?un mendiant qui demandait l?aumône, Tassadit comprit que c?était son mari. Il venait enfin la chercher ! Elle prit un morceau de galette et s?élança vers la porte, mais au passage, elle aperçut sur la table, bien en vue, la petite bougie. Elle s?en empara et la serra dans sa main. Dès qu?elle sortit, le chien aboya de toutes ses forces : «Elle veulent briser ton foyer, elles veulent ton malheur !» Mais Tassadit fit la sourde oreille et tendit la galette au mendiant qui la prit dans ses bras et s?envola. Quelques instants plus tard, Tassadit se retrouva dans le palais. Le lendemain, elle n?eut pas le c?ur d?ouvrir les mystérieuses portes de l?interminable couloir ; non, elle n?admirait plus les belles toilettes et n?appréciait même plus les mets que préparait Mabrouk pour elle. Mabrouk, était un esclave attaché au service du prince-oiseau dès son plus jeune âge. (à suivre...)