Résumé de la 41e partie n Pour Daoul'makân et le chauffeur qui l?avait aidé à récupérer santé et forces, Damas n?est finalement qu?une brève étape. Une halte avant Bagdad. Et Daoul'makân le remercia chaleureusement et lui dit : «En vérité, ce que tu fais pour moi, le frère ne le fait pas pour son frère !» Puis tous deux attendirent le coucher du soleil et la fraîcheur de la nuit pour se mettre en route avec la caravane et sortir de Damas dans la direction de Bagdad. Et voilà pour Daoul'makân et le chauffeur du hammam. Mais pour ce qui est de la jeune Nôzhatou, s?ur jumelle de Daoul'makân, elle était sortie du khân de Jérusalem pour essayer de trouver une place de servante chez quelque notable et pouvoir, de la sorte, gagner un peu d'argent et soigner son frère et lui acheter les brochettes de viande grillée de mouton qu'il désirait. Et elle s'était couvert la tête avec la vieille pièce du manteau en poil de chameau et s'était mise à parcourir les rues au hasard, sans savoir où se diriger ; et elle avait l'esprit et le c?ur fort préoccupés au sujet de son frère et à cause de l'éloignement où ils étaient tous deux de leurs parents et de leur pays ; et elle élevait sa pensée vers Allah Miséricordieux, et ces vers lui vinrent sur les lèvres : «Les ténèbres s'épaississent et enveloppent mon âme de tous côtés, et la flamme inexorable me mine et m'affaiblit ; et le désir en moi crie douloureusement et fait sur ma figure se peindre mes peines du dedans. «La souffrance de la séparation, dans mes entrailles, habite avec dureté ; et la continuité d'une passion que rien ne rafraîchit, m'abîme déplorablement. «L'insomnie est devenue la compagne de mon deuil et le feu du désir, mon aliment. Comment pourrai-je désormais taire le secret de mon âme ? «Moi qui ne connais rien de l'art et des moyens de cacher ce que j'ai de chagrin dans le c?ur. Dans ce c?ur consumé des flammes liquides de l'amour qui me noient dans leur torrent. «O nuit, tu le sais ! Dans le calme de tes heures, ô messagère, va dire à celui que tu connais l'intensité de ma souffrance et témoigne que jamais tu ne m'as vue fermer l'?il dans tes bras.» Et tandis que la jeune Nôzhatou se dirigeait ainsi vaguement à travers les rues, elle vit venir à elle un chef bédouin, accompagné de cinq de ses Bédouins, qui la regarda longuement et ressentit aussitôt un violent désir de posséder la belle fille à la tête couverte du vieux morceau de manteau, et dont les charmes ressortaient encore mieux sous cette étoffe grossière en loques. Et il s'avança hardiment de son côté et attendit qu'elle fût arrivée à une ruelle solitaire et fort étroite, et il s'arrêta devant elle et lui dit : «O jeune fille, es-tu libre ou esclave ?» A ces paroles du Bédouin, la jeune Nôzhatou resta immobile, puis elle dit : «De grâce, ô passant, ne me pose point de questions qui avivent mes peines et mon malheur !» Il lui dit : «O jeune fille, si je te fais cette question, c'est que j'avais six filles ; j'en ai perdu déjà cinq et il ne me reste plus que la sixième qui vit seule tristement dans ma maison. Et je voudrais bien trouver pour ma fillette une compagne qui lui tiendrait compagnie et lui ferait passer le temps agréablement. Et je désirerais beaucoup que tu fusses libre pour te demander d'accepter l'hospitalité de ma maison et devenir ma fille adoptive et être de ma famille, pour faire oublier à ma fillette le deuil qu'elle garde depuis la mort de ses s?urs.» (à suivre...)