Résumé de la 43e partie n Le stratagème du bédouin a eu raison de la naïveté de Nôzhatou. Aucun moyen de fuir, elle se remet à ses poèmes pour exprimer sa douleur. A ces vers admirablement rythmés, le Bédouin, qui adorait d'instinct la poésie, fut touché de pitié pour la belle malheureuse et il s'approcha d'elle et lui essuya les larmes et lui donna à manger une galette d'orge et lui dit : «Une autre fois, il ne faut plus essayer de répondre quand je suis en colère, car mon caractère ne supporte pas cela. Et, comme tu me demandes ce que je peux faire de toi, voici ! Sache que je ne veux plus de toi ni comme concubine ni même comme esclave, mais je veux te vendre à quelque riche marchand qui te traitera avec douceur et te rendra la vie heureuse, comme je l'aurais, d'ailleurs, fait moi-même. Et je vais, dans ce but, te mener à Damas.» Et Nôzhatou répondit : «Que ta volonté soit faite !» Et aussitôt on remonta à chameau et l'on repartit dans la direction de Damas et Nôzhatou toujours en croupe derrière le Bédouin. Et comme la faim la pressait, elle mangea un morceau de la galette d'orge donnée par son ravisseur. A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Lors de sa rencontre suivante avec le roi Shahriar, elle dit : Il m'est parvenu, ô roi fortuné, que Nôzhatou mangea un morceau de la galette d'orge donnée par son ravisseur. Et l'on arriva bientôt à Damas, et on alla se loger dans le khân Sultani situé près de Bab El-Malek. Et comme Nôzhatou était fort triste et pâle de chagrin, et qu'elle continuait à pleurer, le Bédouin lui dit d'un ton furieux : «Si tu ne cesses point tes larmes, tu vas perdre ta beauté et ta valeur, et je ne pourrai plus te vendre qu'à quelque juif hideux. Réfléchis à cela, ô citadine !» Puis le Bédouin enferma soigneusement Nôzhatou dans l'une des chambres du khân et se hâta d'aller au marché des esclaves voir les marchands d'esclaves ; et il leur proposa la belle fille ravie en leur disant : «J'ai avec moi une jeune esclave que j'ai amenée de Jérusalem ; et elle a un frère malade que j'ai été obligé de laisser là-bas chez des parents à moi pour le faire bien soigner. Aussi il faut que celui d'entre vous qui voudra l'acheter n'oublie pas de lui dire, pour la tranquilliser, que son frère malade est soigné à Jérusalem dans sa maison même, à lui, acheteur. Et je me déciderai ainsi à la céder à bon compte.» Alors l'un des marchands se leva et lui demanda : «Quel est l'âge de cette esclave ?» Le Bédouin répondit : «C'est une toute jeune fille encore vierge, mais déjà nubile. Elle est pleine d'intelligence, de politesse, de finesse d'esprit de beauté et de perfections. Malheureusement, depuis la maladie de son frère, le chagrin l'a affaiblie, l'a amaigrie et lui a fait perdre un peu de la plénitude de ses formes. Mais tout cela, il est facile de le faire revenir avec un peu de soins et d'oubli.» Alors le marchand lui dit : «Je vais avec toi voir ton esclave, puisque tu m'en as énuméré les qualités ; mais à la condition que, si je ne la trouve pas à ma convenance, rien n'est conclu entre nous ; mais si elle est vraiment comme tu dis, je te l'achèterai au prix sur lequel nous tomberons d'accord ; mais je ne te payerai ce prix qu'une fois que j'aurai revendu moi-même l'esclave. Car il faut bien que je te dise mon intention : sache que je la destine au roi Omar Al-Némân, maître de Bagdad et du Khorassân et dont le fils le prince Scharkân est gouverneur de Damas, notre ville.» (à suivre...)