L?ogresse s?entendit lui répondre : «Tu as bu de mon lait, jure-moi donc que tu ne lèveras jamais plus ton arme sur moi ou sur mes semblables». «Je le jure !», répondit El-Fedda. «Va, continue ton chemin, aucun ogre de la contrée ne s?approchera de toi, n?essuie pas le lait qui te mouille le visage, il te protégera !». Le jeune homme fit ses adieux à l?ogresse puis : Il marcha du matin au soir. S?en allant de bourg en bourg. Rien ne l?arrêtant même pas la nuit noire ! C?est ainsi qu?il arriva près d?un grand château. Il le reconnut tout de suite parce que sur sa plus haute tour, il avait aperçu les quatre nids de cigognes. Le palais était lugubre. «Ciel ! comme les abîmes qui l?entourent sont profonds. En fait, d?après la légende, ils n?ont pas de fond !», murmura avec crainte le jeune homme, tout en reculant avec effroi. El-Fedda resta toute la nuit à observer le palais, sa lourde porte et les précipices qui l?entouraient puis finit par conclure : «Ces obstacles sont trop difficiles à franchir, il faut donc les contourner.» Au matin, il remarqua que les cigognes quittaient leur nid et venaient sur les berges du lac pour y boire. Ecoutant son instinct, il sauta sur le dos de la plus grosse des cigognes qui prit son envol et alla se réfugier dans son nid, c?est-à- dire sur la plus haute des tours. El-Fedda sauta alors du nid dans la tourelle et regarda par la fenêtre. Il aperçut une magnifique jeune fille qui portait sur l?épaule un drôle d?oiseau qui chantait. À l?approche du jeune homme, le volatile se tut : la jeune fille leva les yeux et croisa le regard admiratif d?El-Fedda. Comme si elle l?espérait depuis toujours, elle lui ouvrit toute grande la fenêtre et lui dit simplement : «Je t?attendais, mon oiseau m?avait avertie de ton arrivée.» El-Fedda répondit : «Je viens chercher le rossignol.» Bramba, l?interrompant vivement, répondit : «Je ne peux m?en séparer !» Puis laissant parler son c?ur, le jeune homme répliqua à brûle-pourpoint : «Je voudrais tellement que tu viennes avec moi toi aussi !» Bramba fit l?étonnée ; en fait, l?oiseau lui avait prédit la chose, mais elle voulait entendre ces mots magiques. «J?aimerais que tu deviennes ma femme devant Dieu et devant les hommes !» murmura le jeune homme en rougissant. «Oui ! répondit simplement Bramba, pour quitter ma prison tu n?as qu?à tourner à droite la bague qui est à mon doigt et ton v?u sera exaucé !» «Je voudrais être déjà à la maison avec toi et auprès de ma s?ur bien aimée !» soupira El-Fedda. «Ferme donc les yeux», murmura Bramba puis elle dit dans un souffle : «Djinn ! Jaillis de la vague, Du mont, de la forêt ou du feu ! Apparais et exauce mon v?u !» Quand les jeunes gens ouvrirent les yeux, ils étaient au chevet de Dehbia. Elle était allongée plus morte que vive, sous le regard désolé de ses parents qui furent surpris de voir El-Fedda et une jeune femme à ses côtés. Sans hésiter, Bramba déposa le rossignol sur l?épaule de Dehbia. L?oiseau gonfla ses plumes et se mit alors à chanter : l?aile qu?il tendait faisait ch?ur et lui répondait. La mélodie était si pure, si belle que l?assistance en fut fascinée. Au fur et à mesure que le chant s?éteignait, Dehbia revivait et quand l?oiseau se tut, la jeune fille était déjà debout, pleine de vie, si belle qu?on en bénissait Dieu qui l?avait créée ! «Frère, allons marcher dans la forêt ensemble cela m?a tellement manqué», demanda la jeune fille. El-Fedda, se sentant l?homme le plus heureux du monde, plaisanta : «Ce v?u est, au moins, facile à réaliser !». (à suivre...) A. B.