Résumé de la 65e partie n Envahie par l?émotion, Nôzhatou ordonna à l?eunuque de ramener l?homme qui chantait un poème très familier. Le bon chauffeur, qui était éveillé, nie avoir entendu le chant émanant de Daoul?Makân. L'eunuque dit : «Par Allah ! Tu mens avec impudence et tu ne me feras pas croire, du moment que tu es réveillé et assis ici même, que tu n'aies rien entendu !» Alors le chauffeur dit : «Je vais te dire la vérité ! Celui qui chantait ces vers est un nomade qui vient de passer par là monté sur un chameau. Et c'est lui qui m'a réveillé avec sa maudite voix ! Et puisse Allah le confondre !» Alors l'eunuque se mit à hocher la tête d'un air guère convaincu et retourna, en maugréant, dire à sa maîtresse : «C'est un bonhomme de nomade qui est déjà loin sur son chameau !» Et Nôzhatou, désolée de ce contretemps, regarda l'eunuque et ne dit plus rien. Sur ces entrefaites, Daoul'makân revint de son évanouissement ; et il vit, au-dessus de sa tête, la lune au fond du ciel ; et en son âme se leva la brise enchanteresse des évocations lointaines ; et en son c?ur chanta la voix d'innombrables oiseaux et la modulation des flûtes invisibles de l'esprit ; et il fut pris de l'irrésistible désir d'exhaler en chants les intimes postulations qui le faisaient comme s'envoler. Et il dit au chauffeur : «Ecoute !» Mais le chauffeur lui demanda : «Que vas-tu faire, mon enfant ?» Il dit : «Réciter quelques vers admirables qui me calmeraient le c?ur !» Le chauffeur dit : «Ne sais-tu donc point ce qui est arrivé, et que ce n'est qu'en usant de bonnes manières envers l'eunuque que j'ai réussi à nous sauver d'une perte certaine ?» Et Daoul'makân demanda : «Que me dis-tu là, et quel eunuque ?» Le chauffeur répondit : «O mon maître, l'eunuque de l'épouse du chambellan est venu ici, avec une mine de travers, pendant que tu étais évanoui ; et il brandissait un grand bâton en bois d'amandier ; et il se mit à dévisager tous les gens endormis ; et, comme il ne trouvait que moi de réveillé, il me demanda, d'un ton courroucé, si c'était moi qui avais élevé la voix. Mais je lui répondis : ?Ah, non ! pas du tout. C'est tout bonnement un nomade qui passait par le chemin !? Et l'eunuque n'eut pas l'air de me croire tout à fait, car, avant de s'en aller, il me dit : ?Si par hasard tu entendais la voix, tu saisirais l'homme pour me le livrer, afin que je puisse le conduire chez ma maîtresse !? Et je t'en rends responsable ! Tu vois donc, ô mon maître, que c'est à grand-peine que j'ai pu détourner l'attention de ce noir soupçonneux.» Lorsque Daoul'makân eut entendu ces paroles, il fut très affecté et s'écria : «Et quel est l'homme qui osera m'empêcher de me chanter à moi-même les poèmes qui me plaisent ? Je veux chanter tous les vers que j'aime, et il arrivera ce qui arrivera ! Et, d'ailleurs, qu'ai-je à craindre, maintenant que nous sommes tout proches de mon pays ; rien désormais ne saurait me troubler !» Alors le pauvre chauffeur lui dit : «Je vois bien maintenant que tu veux absolument te perdre !» Il répondit : «Il faut absolument que je chante !» (à suivre...)