Résumé de la 66e partie n Daoul? makân refusa de se soumettre à la restriction de ses libertés. Il exprime les sentiments qui l?enflamment par des vers. Et advienne que pourra. Le chauffeur dit : «Ne m'oblige pas à me séparer de toi, car je préfère m'en aller plutôt que de voir t'arriver du mal ! Oublies-tu, mon enfant, que voilà déjà un an et demi que tu es avec moi, et que jamais tu n'eus rien à me reprocher ? Pourquoi veux-tu maintenant me forcer à m'en aller ? Songe que tout le monde ici est harassé de fatigue et dort tranquillement. De grâce, ne va pas nous troubler avec tes vers, qui, d'ailleurs, je le reconnais, sont de toute beauté !» Mais Daoul'makân ne put se retenir davantage, et comme la brise au-dessus d'eux chantait dans les palmes touffues, de toute sa voix il clama : «0 temps ! Où sont les jours où nous étions les favoris du destin, où nous étions réunis dans la demeure chérie, dans la plus adorable des patries ? «O temps !... Mais que tout cela est passé ! Car nous eûmes des jours pleins de rires et des nuits pleines de sourires ! «Ah ! où sont les jours où s'épanouissait Daoul'makân, à côté d'une fleur nommée Nôzhatou'?zamân !...» Et, ayant fini ce chant, il poussa trois grands cris et tomba évanoui. Alors le bon chauffeur se leva et se hâta de le couvrir de son manteau. Quant à Nôzhatou, lorsqu'elle eut entendu ces vers où étaient cités son nom et le nom de son frère, et où elle se reconnaissait bien dans ses malheurs, elle fut suffoquée par les sanglots, puis elle se hâta d'appeler l'eunuque et lui cria : «Malheur à toi ! L'homme qui a chanté la première fois vient de chanter une seconde fois, car je viens de l'entendre là, tout près ! Or, par Allah ! si tu ne me l'amènes pas tout de suite, j'irai trouver mon époux sous sa tente, et il te donnera la bastonnade et te chassera. Maintenant prends ces cent dinars et donne-les à l'homme à la voix, et décide-le avec douceur à venir ici, et s'il refuse donne-lui cette bourse qui contient mille dinars ; et s'il refuse, n'insiste plus, mais informe-toi de l'endroit où il loge et de ce qu'il fait et de quel pays il est ; et reviens vite me mettre au courant. Et surtout ne tarde pas !» A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. Elle dit : «Et surtout ne tarde pas !» Alors l'eunuque sortit de la tente de sa maîtresse, à la recherche de l'homme à la voix : et il se mit à marcher entre les jambes des gens endormis et à les dévisager tous un à un ; mais il ne trouva personne qui fût éveillé. Alors il s'approcha du chauffeur, qui était assis sans manteau et la tête découverte, et il le saisit par le bras et lui cria : «C'est toi seul qui es le chanteur !» Mais le chauffeur, terrifié, s'écria : «Non, par Allah ! ce n'est pas moi, ô chef des eunuques !» L'eunuque dit : «Je ne te laisserai point avant que tu ne m'indiques le diseur de vers ! Car je n'oserai jamais plus retourner, sans lui, auprès de ma maîtresse !» A ces paroles, le pauvre chauffeur eut une très grande peur pour Daoul'makân, et il se mit à se lamenter et dit à l'eunuque : «Par Allah ! Je t'affirme que le chanteur est un passant du chemin ! Et ne me torture pas davantage, car tu en rendras compte au Jugement d'Allah ! Je ne suis qu'un pauvre homme qui viens de la ville d'Abraham, l'ami d'Allah !» (à suivre...)