Résumé de la 106e partie n Le piège tendu par la vieille vipère a bien fonctionné. Daoul'makân, son frère Scharkân et le reste de l'expédition sont encerclés par les guerriers du roi Aphridonios. A cette vue, Daoul'makân s'écria : «Qui donc a pu aviser les chrétiens de notre présence au monastère ?» Mais Scharkân, sans lui laisser le temps de continuer, lui dit : «O mon frère, nous n'avons pas de temps à perdre en conjectures ; dégainons courageusement et attendons de pied ferme tous ces chiens maudits, et faisons-en une telle tuerie que nul d'entre eux ne puisse s'échapper pour aller raviver le feu de son foyer !» Et Daoul'makân dit : «Si du moins nous avions été prévenus, nous aurions pris avec nous un plus grand nombre de nos guerriers pour lutter un peu plus efficacement !» Mais le vizir Dandân dit : «Si même nous avions avec nous dix mille hommes, cela ne nous serait d'aucune utilité dans cette gorge étroite. Mais Allah nous fera surmonter toutes les difficultés et nous tirera de ce mauvais pas. Car, du temps que je guerroyais ici, avec le défunt roi Omar Al-Némân, j'ai appris à connaître toutes les issues de cette vallée et toutes les sources d'eau glacée qu'elle contient. Suivez-moi donc avant que toutes les issues ne soient occupées par ces mécréants !» Mais au moment où ils allaient se mettre à l'abri, devant eux apparut le saint ascète qui leur cria : «Où courez-vous ainsi, ô croyants ? Fuyez-vous donc en face de l'ennemi ? Ne savez-vous que votre vie est dans les mains d'Allah Seul et qu'Il est le Maître de vous la conserver ou de vous l'enlever, quoi qu'il puisse vous arriver ? Oubliez-vous que, moi-même, enfermé sans nourriture dans le souterrain, j'ai survécu parce qu'Il l'a ainsi voulu ? En avant donc, ô musulmans ! Et si la mort est là, le paradis vous attend !» A ces paroles du saint ascète, ils se sentirent l'âme remplie de courage et attendirent de pied ferme l'ennemi qui fondait sur eux avec impétuosité. Or, ils n'étaient en tout que cent trois, mais un croyant ne vaut-il point mille infidèles ? En effet, à peine les chrétiens furent-ils à portée de la lance et du glaive que le vol de leurs têtes devint un jeu pour les bras des croyants. Et Daoul'makân et Scharkân de chaque tournoiement de leur sabre jetaient en l'air cinq têtes coupées ! Alors les infidèles s'élancèrent dix par dix sur les deux frères ; mais un instant après, dix têtes coupées sautaient en l'air. Et, de leur côté, les cent guerriers firent de ces chiens qui les attaquaient un carnage mémorable, et cela jusqu'à la tombée de la nuit qui sépara les combattants. Alors les croyants et leurs trois chefs se retirèrent dans une caverne au flanc de la montagne pour s'y abriter cette nuit-là. Et ils songèrent à s'informer du sort du saint ascète ; et ils le cherchèrent en vain, après s'être comptés eux-mêmes un à un et avoir constaté qu'ils n'étaient plus que quarante-cinq survivants. Et Daoul'makân dit : «Qui sait si maintenant ce saint homme n'est pas mort martyr de sa foi, dans la mêlée !» Mais le vizir Dandân s'écria : «O roi, durant la bataille je l'ai vu, cet ascète ! Et il m'a semblé le voir exciter les infidèles au combat, et il me paraissait tel un éfrit noir de la plus épouvantable espèce!» Mais, au moment même où le vizir Dandân émettait ce jugement, l'ascète parut à l'entrée de la grotte ; et il tenait par les cheveux une tête coupée aux yeux convulsés. Et c'était la tête même du général en chef de l'armée chrétienne, lequel était un bien terrible guerrier. (à suivre...)