Résumé de la 27e partie n Le roi Daoul'makân abdique en faveur de son fils. En attendant, Kanmakân et sa cousine Force-du-Destin grandissent ensemble. Les exercices et la chasse, l'équitation et les joutes à la lance et au javelot, le tir à l'arc et les courses de chevaux avaient assoupli son corps et aguerri son âme ; et Kanmakân était devenu le plus beau cavalier des pays musulmans, et le plus courageux d'entre les guerriers des villes et des tribus. Et, avec tout cela, son teint était resté aussi frais que celui d'une vierge, et sa figure plus jolie à voir que les roses et les narcisses ; comme dit le poète à son sujet : «A peine circoncis, la soie légère amoureusement duveta la douceur de son menton, pour, avec l'âge, ombrager ses joues d'un velours noir au tissu très serré. «Aux yeux réjouis de ceux qui le regardaient, il était tel le faon qui esquisse une danse derrière les pas de sa mère. «Aux âmes attentives qui le suivaient, ses joues s'offraient dispensatrices de l'ivresse, ses joues où tendrement circulait la rougeur d'un sang aussi délicat que le miel naturel de sa salive. «Mais moi, qui consacrais ma vie à l'adoration de ses charmes, ce qui me ravissait l'âme, c'était surtout la couleur verte de son habit.» Mais il faut savoir que, depuis déjà un certain temps, le grand chambellan, tuteur de Kanmakân, malgré toutes les remontrances de son épouse Nôzhatou, et tous les bienfaits dont il était redevable au père de Kanmakân, avait fini par s'emparer complètement du pouvoir et s'était même fait proclamer successeur de Daoul'makân par une partie du peuple et de l'armée. Quant à l'autre partie du peuple et de l'armée, elle était restée fidèle au nom et au descendant d'Omar AI-Némân et était dirigée dans son devoir par le vieux vizir Dandân. Mais le vizir Dandân, devant les menaces du grand chambellan, avait fini par s'éloigner de Bagdad et s'était retiré dans une ville du voisinage, attendant que la destinée se tournât du côté de l'orphelin frustré de ses droits. Aussi le grand chambellan, n'ayant plus rien à craindre de personne, avait forcé Kanmakân et sa mère à s'enfermer dans leurs appartements, et avait même défendu à sa fille Force-du-Destin d'avoir désormais des relations avec le fils de Daoul'makân. Et de la sorte, la mère et le fils vivaient dans la retraite, attendant qu'Allah voulût bien rendre son droit à qui de droit. Mais tout de même, malgré la surveillance du grand chambellan, Kanmakân pouvait des fois voir sa cousine Force-du-Destin et lui parIer, mais en cachette seulement. Or, un jour qu'il ne pouvait la voir, il prit une feuille de papier et écrivit à son amie ces vers passionnés : «Tu marchais, ô bien-aimée, au milieu de tes femmes, toute baignée dans ta beauté ! Les roses, à ton passage, séchaient d'envie sur leurs tiges, en se comparant à leurs sœurs sur tes joues ; les lis clignaient de l'œil devant le grain de ta blancheur et les camomilles en fleurs souriaient du sourire de tes dents. «Ah ! quand verrai-je mon exil finir et mon cœur guérir des douleurs de l'absence, pour que mes lèvres heureuses se rapprochent enfin de celles de ma bien-aimée ? «Ah ! pourrai-je enfin connaître si l'union nous est possible, ne fût-ce qu'un jour, et voir si tu peux éprouver un peu des sensations dont déborde tout mon être ? «Et qu'Allah me fasse patienter sur mon mal, comme le malade supporte le cautère, en vue de la guérison !» (à suivre...)