Résumé de la 29e partie n Séparé de sa cousine Force-du-Destin par le grand chambellan, Kanmakân s'enfuit, déguisé en saalouk. Or, pendant que le jeune Kanmakân fuyait ainsi sa ville et ses parents, sa mère, ne l'ayant plus vu de la journée, le chercha partout sans résultat. Alors elle s'assit à pleurer et attendit son retour en proie aux pensées les plus torturantes. Mais le second, puis le troisième et le quatrième jour passèrent, sans que personne eût des nouvelles de Kanmakân. Alors sa mère s'enferma dans son appartement, à pleurer, à se lamenter et à dire du plus profond de sa douleur : «O mon enfant, de quel côté t'appeler ? Vers quel pays courir te chercher ? Et que peuvent maintenant ces larmes que je verse sur toi, mon enfant ? Où es-tu ? Où es-tu, ô Kanmakân ?» Puis la pauvre mère ne voulut plus ni boire ni manger ; et son deuil fut connu de toute la ville et partagé par tous les habitants qui aimaient le jeune homme et aimaient son défunt père. Et tous s'écriaient : «Où es-tu, ô pauvre Daoul'makân, ô roi qui avais été si juste et si bon pour ton peuple ? Voici que ton fils est perdu, et nul de ceux que tu as comblés de tes bienfaits ne sait retrouver ses traces ! Ah ! pauvre postérité d'Omar Al-Némân, qu'es-tu devenue ?» Mais pour ce qui est de Kanmakân, il se mit à marcher tout le long du jour, et ne se reposa qu'à la nuit noire. Et le lendemain et les jours suivants il continua à voyager, en se nourrissant des plantes qu'il ramassait et en buvant l'eau des sources et des ruisseaux. Et au bout de quatre jours il arriva dans une vallée couverte de forêts où couraient des eaux vives et où chantaient les oiseaux et les ramiers. Alors il s'arrêta, fit ses ablutions selon le rite, puis sa prière ; et, ayant ainsi accompli les devoirs prescrits, comme la nuit venait, il s'étendit sous un grand arbre et s'endormit. Et il resta ainsi endormi jusqu'à minuit. Alors, au milieu du silence de la vallée, une voix fusa, sortant des rochers alentour, qui le réveilla. Elle chantait : «Vie de l'homme ! Que vaudrais-tu sans l'éclair du sourire sur les lèvres de l'aimée, sans le baume de son visage tranquille ? «O mort ! Tu serais désirable si mes jours devaient s'écouler toujours loin de l'amie que ne sauraient me faire oublier ni les menaces ni l'exil ! «O joie des amis réunis sur la prairie à boire les vins exquis des mains de l'échanson ! O leur joie si les brûle la passion quand ils prennent la coupe des mains de l'échanson. «Printemps ! Tes fleurs, aux côtés de la bien-aimée, me guérissent l'âme des duretés passées du sort aveugle ! O printemps, tes fleurs sur la prairie... «Et toi, ami, qui bois la liqueur rousse et parfumée, regarde ! Sous ta main s'étend une terre joyeuse de ses eaux, de ses couleurs et de sa fécondité !» A ce chant admirable qui montait ainsi dans la nuit, Kanmakân se leva, transporté, et essaya de percer les ténèbres du côté d'où lui arrivait la voix ; mais il ne put distinguer d'autres formes que les troncs vagues des arbres au-dessus de la rivière qui coulait au fond de la vallée. Alors, il marcha un peu dans la même direction et descendit ainsi jusque sur les bords mêmes de la rivière. Et la voix devint plus distincte et plus émue en chantant ce poème dans la nuit : «Entre elle et moi il y a des serments d'amour. Et c'est pourquoi j'ai pu la laisser dans la tribu ! «Ma tribu dans le désert est la plus riche en chevaux parfaits et en filles aux yeux noirs. C'est la tribu de Taïm. «Brise ! Ton souffle m'arrive de chez les Bani-Tam ! Elle pacifie mon foie et m'enivre à l'extrême. «Dis-moi, esclave Saâci, celle dont la cheville est cerclée du grelot sonore se souvient-elle parfois de nos serments d'amour, et que dit-elle ?» (à suivre...)