Résumé de la 31e partie n Sal, fin baratineur, a tout fait pour obtenir un rendez-vous en tête-à-tête avec Neeve. Ce qui se produisit car, avant de le quitter, elle l'invite à dîner. Elle fut de retour «Chez Neeve» à temps pour discuter de la nouvelle vitrine avec la décoratrice. A dix-huit heures trente, lorsqu'elle ferma la boutique, elle s'astreignit à nouveau à emporter les affaires d'Ethel chez elle. Une fois encore il n'y avait eu aucun message de celle-ci ; aucune réponse à la demi-douzaine d'appels téléphoniques. Mais il y avait au moins une issue en vue. Demain matin, elle accompagnerait Tse-Tse à l'appartement d'Ethel et y déposerait le tout. Cette perspective lui remit en mémoire un vers du poignant poème d'Eugène Field Le Petit Garçon Bleu : «Il les embrassa et les laissa là.» Tout en retenant les housses qui lui glissaient des bras, Neeve se rappela que le Petit Garçon Bleu n'avait jamais retrouvé ses jolis jouets. Le lendemain matin, Tse-Tse la retrouva dans le hall à huit heures trente précises. Elle avait ses cheveux coiffés en macarons. Une ample cape de velours noir négligemment posée sur ses épaules lui descendait jusqu'aux chevilles. En dessous, elle était vêtue d'un uniforme noir avec un tablier blanc. «Je viens de décrocher un rôle de femme de chambre dans une nouvelle pièce, confia-t-elle en prenant les bottes des mains de Neeve. J'ai pensé que je pourrais répéter. Si Ethel est là elle va me fiche à la porte en me voyant déguisée.» Son accent suédois, était excellent. Le vigoureux coup de sonnette resta sans réponse dans l'appartement d'Ethel. Tse-Tse chercha la clé dans son sac. Après avoir ouvert la porte, elle fit un pas de côté et laissa Neeve la précéder. Avec un soupir de soulagement, celle-ci déposa son paquet de vêtements sur le divan et se redressa. «Merci mon Dieu», murmura-t-elle, puis sa voix s'étrangla. Un jeune homme musclé se tenait dans le couloir qui menait à la chambre et à la salle de bains. Visiblement en train de s'habiller, il tenait une cravate à la main. Sa chemise blanche et fraîchement repassée n'était pas complètement boutonnée. Ses yeux vert pâle, dans un visage qui aurait pu être attirant avec une expression différente, se plissaient sous l'effet de la contrariété. Ses cheveux encore décoiffés tombaient en boucles sur son front. Au premier instant de surprise succéda chez Neeve l'impression que ces cheveux emmêlés étaient le résultat d'une permanente. Derrière elle, elle entendit Tse-Tse retenir brusquement sa respiration. «Qui êtes-vous ? demanda Neeve. Et pourquoi n'avez-vous pas répondu au coup de sonnette ? — Il me semble que c'est à moi de poser la première question.» Le ton était sarcastique. «Et je réponds aux coups de sonnette quand ça me chante.» Tse-Tse prit la parole : «Vous êtes le neveu de Mlle Lambston, dit-elle. J'ai vu votre photo.» Sa prononciation avait des pointes d'accent suédois. «Vous êtes Douglas Brown. — Je sais qui je suis. Auriez-vous l'obligeance de me dire qui vous êtes ?» Il avait toujours la même intonation railleuse. Neeve sentit la colère la gagner. (à suivre...)