Hadidouane était le voisin de l'ogresse. Bien que vieille, l'ogresse ne songeait qu'à l'attraper pour le manger. Mais Hadidouane, qui était malin comme un renard, ne se laissait jamais prendre aux pièges qu'elle lui tendait. Quand il se voyait acculé par sa hargneuse voisine, il se barricadait tout simplement dans sa maison qui était de bronze. Dans l'espoir d'endormir sa méfiance, l'ogresse imaginait continuellement des ruses. Par exemple, elle l'invitait fréquemment à l'accompagner à la fontaine et à la forêt. Hadidouane, mon enfant, lui disait-elle avec douceur, viens avec moi à la fontaine. Allons remplir nos outres ensemble. Tu me tiendras compagnie, car je suis bien vieille et m'ennuie toute seule. Déchirons d'abord nos outres, tante ogresse, puis raccommodons-les et ensuite allons à la fontaine, lui répondait Hadidouane. L'ogresse, qui était stupide, déchirait tout de suite son outre. Mais, pendant qu'elle s'épuisait à la raccommoder, Hadidouane, qui n'avait pas abîmé la sienne, se rendait tranquillement à la fontaine et ramenait de l'eau. Quand l'ogresse lui demandait de l'accompagner à la forêt, Hadidouane lui répondait : — Filons d'abord nos cordes, tante ogresse, puis tressons-les et ensuite allons à la forêt. L'ogresse, dont la stupidité était toujours la même, défaisait tout de suite sa corde. Mais, pendant qu'elle s'épuisait à la reconstituer, Hadidouane, qui n'avait pas abîmé la sienne, se rendait tranquillement à la forêt et ramenait son fagot de bois. Quand, après coup, l'ogresse réalisait que son voisin venait, une fois de plus, de lui jouer un mauvais tour, elle se mordait la main de dépit et jurait qu'elle finirait bien par l'attraper. L'ogresse possédait une petite ânesse, et l'un des plaisirs de son facétieux voisin était de la chevaucher et de la mener au grand trot à travers champs. Dès qu'elle se montrait, Hadidouane sautait à terre et allait se réfugier dans sa maison de bronze. Un jour, elle enduisit de glu le dos de l'ânesse afin que Hadidouane s'y collât. Mais, rien n'y fit : le petit malin posa un bât sur le dos de l'ânesse et la chevaucha comme à l'accoutumée. De dépit, l'ogresse se mordit la main et jura qu'elle finirait bien par l'attraper. Hadidouane aimait également batifoler dans le jardin de sa voisine. Lorsque celle-ci se montrait, il se cachait dans une grosse citrouille, ne laissant visible de sa personne qu'une touffe de cheveux. Croyant que le toupet faisait partie de la citrouille, l'ogresse le prenait entre ses doigts et chantait : — Toupet, joli toupet, dois-je te laisser ou te couper ? Or, un jour, elle tira sur la touffe de cheveux avec un peu plus de rudesse, et Hadidouane ne put s'empêcher de pousser un cri de douleur. J'ai bien fini par t'avoir, fils de chien, lui dit-elle en s'empressant d'ouvrir la citrouille pour le capturer. En jubilant, elle le fourra dans un sac qu'elle chargea sur son dos. Elle se dirigeait vers sa maison qui était un peu plus loin lorsque Hadidouane, du fond du sac, l'interpella : — Tante ogresse, il me semble que tu as oublié aujourd'hui de faire ta prière. Est-il possible qu'une femme aussi pieuse que toi néglige ses devoirs envers Dieu ? — Oh ! Merci, mon enfant ! Que Dieu te bénisse ! C'est bien vrai ; j'ai oublié de faire ma prière aujourd'hui ; je n'ai plus de mémoire. Je vais la faire tout de suite, sinon j'oublierai encore, répondit la stupide ogresse. (à suivre...)