"Non-dits" Le retour aux grandes exploitations agricoles est écarté selon les autorités. Le ministère de l?Agriculture n?a pas jugé utile de communiquer à la presse le rapport sur le recensement général de l?agriculture, lors de l?atelier consacré aux résultats de ce dernier, tenu lundi à l?hôtel El-Aurassi. InfoSoir a obtenu, en exclusivité, une copie du document dont il ressort que le ministère a biaisé sa présentation. D?emblée, les responsables du ministère se sont refusés à toute comparaison avec les résultats du recensement de 1973 sous prétexte que ce dernier était partiel et éloigné dans le temps. Or dès ses premières lignes, le rapport affirme le contraire. Il est en effet souligné sans ambiguïté, qu? "il est possible de comparer les résultats du RGA 2002 avec deux enquêtes : le RGA de 1973 et l?enquête sur la structure des exploitations agricoles de 1964". Après cette précision, le rapport recommande seulement "des précautions en ce qui concerne certaines grandeurs" lors de la comparaison. Cette dernière fait ressortir que les exploitations ont connu une croissance de 13 % depuis 1973, ce qui s?explique "par l?éclatement des anciennes exploitations autogérées en EAC et EAI et en la transformation de fait de beaucoup d?EAC en EAI". Le rapport ajoute qu?en dépit de la stabilité de la superficie totale des exploitations, celles relevant du privé ont augmenté de 12,4 à cause de la restitution des terres nationalisées à leurs propriétaires et "par la privatisation de fait d?une partie de l?ancien secteur autogéré". Le rapport ne souffle mot des conditions de cette privatisation et si elle allait avoir un cachet officiel et légal. Lors de l?atelier, il a été souligné que beaucoup d?exploitants se sont déclarés propriétaires sans posséder pour autant les documents officiels. A ce propos, le directeur des statistiques au ministère de l?Agriculture avait dit qu?il n?est pas question que le RGA légalise une quelconque situation de fait. Le rapport constate aussi une persistance des petites exploitations : 76,6 % d?entre elles occupent moins de 10 ha et «ont une superficie moyenne de 3 ha» ramenant la taille moyenne générale à 8 ha. Cette situation empêche l?agrandissement des exploitations à un niveau économiquement viable. "Pour les exploitants n?ayant pas de revenus extra-agricoles, cela pose le problème de leur pauvreté et des politiques qui les visent ainsi que des moyens de ces politiques.» Néanmoins, les responsables du ministère ont martelé que le recensement porte sur les structures et non sur le niveau de vie des agriculteurs et ce, malgré l?insistance des journalistes et des participants sur l?importance de cette question. Si le ministère a voulu passer l?intégralité du rapport sous silence, c?est qu?il recèle d?autres vérités peu plaisantes. Le document stigmatise en effet la concentration des superficies. «Les trois quarts des exploitations (75,6 %) ne détiennent que le quart des superficies (25,6 %) ; 1,9 % des exploitants disposent de 22,6 % des superficies.» Ce constat est suivi d?une mise en garde empreinte de manque de certitude : «Ce phénomène ne semble pas devoir être interprété comme étant un problème de prédominance de la grande exploitation, ni, encore moins, comme un problème de latifundia.» Pour étayer cet argument, il est précisé que les exploitations de plus de 200 ha ne représentent que 5,5 % des superficies, écartant de la sorte toute hypothétique revendication d?une seconde réforme agraire par les sans-terre comme en Amérique latine où le terme latifundia cité par le rapport est le plus usité pour désigner les propriétés féodales, dont la réapparition en Algérie est subliminalement évacuée.