Résumé de la 90e partie n Sans faire attention, Neeve donne rendez-vous à son tueur. Elle apprend aussi que l'article d'Ethel secouera le monde de la mode. Une heure plus tard, Neeve et Eugenia étaient plongées dans la lecture de l'article d'Ethel. Il était intitulé «Créateurs et imposteurs de génie» et, même venant d'Ethel, il était particulièrement acéré. Elle commençait par nommer les trois tendances qui avaient marqué la mode dans les cinquante dernières années : le New Look de Christian Dior en t947, la mini-jupe de Mary Quant au début des années soixante, et la collection Barrière du Pacifique créée par Anthony della Salva en 1972. Sur Dior, Ethel avait écrit : En 1947, la mode était en plein marasme, encore sous l'influence des modes militaires de la guerre. Tissu chiche ; épaules carrées ; boutons de cuivre. Dior, jeune couturier timide, décida de tirer un trait sur la guerre et de reléguer aux oubliettes les jupes courtes. symbole d'une époque de restrictions. Faisant la preuve de son génie, il eut le culot d'affirmer aux yeux d'un monde incrédule qu'à partir de maintenant la robe d'après-midi descendrait à trente-deux centimètres du sol. On ne lui facilita pas la tâche. Une empotée de Californienne trébucha sur sa longue jupe en descendant de l'autobus et attisa une révolte nationale contre le New Look. Mais Dior resta ferme à son poste, ou à ses ciseaux, et, saison après saison, créa des vêtements pleins de grâce et d'élégance - drapés partant de l'encolure, tailleurs à petite veste cintrée sur une jupe en forme. Et son talent de précurseur trouva sa preuve lors du désastre de la mini-jupe. Peut-être tous les couturiers comprendront-ils un jour que la mode obéit toujours à une certaine mystique. Au début des années soixante, les choses bougèrent dans le monde. Nous ne pouvons tout mettre sur le compte du Viét-nam ou de Vatican II, mais la vague de changements était dans l'air et une créatrice anglaise, jeune et effrontée, entra en scène. C'était Mary Quant, la petite fille qui ne voulait pas grandir et jamais, jamais s'habiller en adulte. La mini-jupe, les collants de couleur, les hautes bottes firent leur apparition. Et avec eux, l'affirmation qu'il faut à tout prix garder l'air jeune. Lorsque l'on demanda à Mary Quant d'expliquer la finalité de la mode, où elle conduisait, elle répondit haut et fort : «Au sexe.» 1972 vit la fin de la minijupe. Lasses de jouer à la bataille de l'ourlet, les femmes se tournèrent vers les vêtements masculins. C'est alors qu'arriva Anthony della Salva et sa ligne Barrière du Pacifique. Della Salva n'a pas grandi dans un palais sur l'une des sept collines de Rome, comme son agent aimerait nous le faire croire, mais il est né Sal Esposito, dans une ferme sur Williamsbridge Road dans le Bronx. Son sens de la couleur s'est peut-être développé en aidant son père à disposer dans leur voiture ambulante les fruits et les légumes qu'ils colportaient dans le voisinage. Sa mère, Angelina, et non pas la Comtesse Angelina, était célèbre pour sa ritournelle : «Dieu bénisse ta Maman. Dieu bénisse ton Papa. Qui veut mes pamplemousses ?» (à suivre...)