Rencontre n Un colloque en hommage à l'intellectuel Abdelhamid Benzine et ayant pour thème «Art et engagement» a eu lieu, mercredi et jeudi, à la Bibliothèque nationale. D'emblée, et en se référant au thème du colloque, l'on pense qu'il s'agit d'un débat sur l'homme, son œuvre et son militantisme intellectuel. Il se trouve qu'en assistant aux conférences, l'on constate que le débat s'est organise à un niveau tout autre, à savoir la question de l'art engagé. D'où l'interrogation : quel rapport entre Abdelhamid Benzine et la problématique du colloque ? Selon les organisateurs, Abdelhamid Benzine s'est, de son vivant, penché sur le rôle de l'art dans la société, à savoir l'engagement de l'artiste ou de l'intellectuel dans l'émancipation et le développement de la société. «C'est à partir d'un texte rédigé en 1977, texte (Quelques repères sur l'art et la culture) lu et débattu dans une maison de la culture d'un petit village de Kabylie (près d'Aghrib), que nous avons engagé la réflexion et, du coup, initié le colloque», ont déclaré les organisateurs. De nombreux artistes et intellectuels algériens et étrangers ont participé à ce colloque. «L'artiste a une responsabilité devant la société», a déclaré Nadira Laggoune, critique d'art. Et d'ajouter : «La relation et la position de l'artiste au réel s'expriment à la faveur des périodes de crises sociales ou de tensions politiques.» Ainsi, les artistes représentent dans leurs œuvres leur histoire, et «cette appréhension prend des formes différentes selon la nature de l'événement ou de la crise», a-t-elle précisé. Pour sa part, Florence Morli, universitaire française, a estimé que «l'art engagé n'a pas toujours contribué à la critique de l'histoire et certains régimes totalitaires ont su l'instrumentaliser au service du politique.» Cela revient à dire que «l'engagement de l'artiste peut lui échapper et, à défaut d'une pratique libre, responsable et indépendante, propager cette idée que l'art est à la remorque du politique.» Pour ce faire, l'art – qui, selon Bertolt Brecht, dévoile la causalité complexe des rapports sociaux – doit être considéré comme étant à la fois «la condition et l'expression de sa nécessaire dimension critique provoquant ainsi le débat indispensable au libre exercice de la citoyenneté.» Rachida Triki, universitaire tunisienne, a, quant à elle, souligné que «la consommation culturelle massifiée menace l'individualité du citoyen en le privant de la singularité de son expérience sensible, de ses désirs et de l'autonomie de son jugement de goût.» Autrement dit : l'art, dans sa diversité, sa complexité et ses contradictions, doit se pratiquer dans un esprit démocratique, et la démocratie n'existe que si l'art est engagé dans un processus démocratique – et contre la standardisation du fait culturel. De son côté, Brahim Hadj Sliman, journaliste et metteur en scène, a évoqué l'engagement de l'art, la musique algérienne. «Le raï a vu le jour au prix d'un engagement social et culturel.» Et de poursuivre : «Si l'on entend par engagement, une prise de position politique, d'opposition aux pouvoirs en place, l'exemple le plus emblématique reste la chanson kabyle des années 1980, avec comme fer de lance le chanteur Matoub Lounes.» Et de conclure : «Cependant, il est bien évident que l'on ne peut réduire l'approche de la musique algérienne à la seule dimension du politique ; elle doit être saisie dans son rapport à tous les courants idéologiques, religieux ou autres, qui traversent la société qui lui donne naissance.»