Arrivés à la cinquantaine, Jacques et Marie-Thérèse Verderet se disent qu'ils en ont un peu assez de la grande ville. — Nous avons un peu d'argent de côté. Si on cherchait une maison au calme ? — Oui, mais pas trop loin de Paris. Disons cent kilomètres au maximum. Les Verderet hésitent entre la Normandie et la Picardie. L'ouest de Paris leur semble trop cher, l'Yonne trop isolée... Après des visites aux agences, aux notaires, on leur indique une «maison de village» dans une petite commune bien tranquille. Un grand portail de ferme, deux corps de bâtiment entourent une cour bien à l'abri de tous les regards. Un jardin descend en pente douce, des arbres fruitiers, un cèdre du Liban... l'ensemble est en bon état. C'est le coup de foudre. — Nous pourrons installer la piscine au milieu de la cour. A l'abri des indiscrets et du vent. — Il y a au moins dix pièces. Ce sera parfait si les copains viennent nous voir. Et c'est ainsi que les Verderet signent l'acte d'achat de cette maison sans style précis. Le notaire leur signale que la partie la plus ancienne date au moins du XVIIIe siècle. Il existe deux caves, une sous chaque bâtiment. En rentrant chez eux, les Verderet sont pris d'un doute : — Le toit est en bon état, les cheminées fonctionnent, mais il va falloir revoir pas mal de choses. — Eh bien, mon chéri, ce sera l'occasion d'inviter toute la bande. On va voir s'ils aiment autant le bricolage qu'ils le prétendent... Les Verderet, dans les mois qui suivent, vont découvrir que la maison leur réserve des surprises. Et des émotions dont le notaire était bien incapable de leur parler. Pendant la belle saison, la maison devient, tous les week-ends, un centre d'activités et de travaux intenses. Les hommes gâchent le plâtre, posent les carrelages, martyrisent la plomberie. Les femmes s'affairent à la cuisine et prennent des décisions sans appel en ce qui concerne les massifs fleuris et le choix des doubles rideaux. Le soir, tout le monde se retrouve dans le salon meublé de bric et de broc : — Jacques, tu devrais installer une télé. ?a serait bien de pouvoir regarder un programme le samedi soir. — Oh, eh, doucement ! Avec tout ce que je dépense en matériel et tout ce que vous me coûtez en nourriture, je n'ai plus les moyens ! Toute la compagnie traite Jacques de radin et menace de faire la grève sur le tas. Mais il n'y a pas, la fatigue aidant, les soirées sans télé sont un peu languissantes. Jusqu'au jour où la maison se manifeste à l'attention de ses nouveaux propriétaires. Un soir, Sylvie, une collègue de Marie-Thérèse, fait une proposition : — Et si on faisait une séance de spiritisme ? ?a vous dirait ? Ce serait bien le diable s'il n'y avait pas un ou deux médiums parmi nous... Un silence interloqué accueille cette information. Une ou deux personnes se récrient : — Oh là là ! Moi, je ne me lance pas là-dedans. On ne sait pas ce qu'on remue. D'autres ricanent : — Tout ça, ce sont des âneries. Comme si les guéridons pouvaient parler. C'est du bidon. Il y a un truc. Sylvie insiste : — Nous sommes entre nous. C'est l'occasion de voir ce que ça donne. Par curiosité. Peut-être que rien ne se passera. (à suivre...)