Portrait n Il est jeune, beau et intelligent. Les traits fins avec de grands yeux noirs cachés derrière une paire de lunettes. A 19 ans, Rafik a passé son baccalauréat en sciences de la nature pour la première fois. C'est un jeune homme très réservé. Féru de nouvelles technologies, il passe le plus clair de ses journées face à son ordinateur. D'une timidité maladive malgré son physique imposant, le jeune Rafik a beaucoup de mal à raconter son histoire. «Pour des raisons de santé, j'ai dû arrêter mes études pendant 2 ans. J'étais en première année secondaire.» Diabétique depuis l'âge de 15 ans, le jeune homme, acceptant mal son sort, a connu une longue dépression nerveuse qui l'a condamné à vivre cloîtré chez lui. «Après deux années de déprime, j'ai décidé de lutter en intégrant (grâce au sacrifice des membres de ma famille) un lycée privé à Alger.» Avec beaucoup de courage, le jeune lycéen a repris le chemin de l'école. «Les débuts étaient difficiles. Mais dès que je me suis acclimaté, j'ai commencé à reprendre confiance en moi et j'ai même été classé parmi les meilleurs élèves de la classe.» Arrivé en terminale (la dernière année du lycée et l'année du bac), le jeune homme commence à ressentir la pression. «La peur me rongeait. J'ai eu beaucoup de mal à revenir au lycée dès le début de l'année. Le stress et la panique ne m'ont pas quitté tout au long de l'année. Mais j'ai quand même résisté à l'envie d'arrêter carrément les études et je me suis donné à fond dans la révision et la préparation pour l'examen fatidique.» Outre les heures de classe, Rafik suivait en parallèle des cours de soutien dans les matières essentielles chez un professeur qui a bonne réputation dans le domaine. «J'avais en moyenne 10h de cours par jour. En quelques mois, j'ai perdu plus de 15 kg. Et pour quel résultat ?» Ce fameux 5 juillet, le jour de la célébration du 45e anniversaire de l'indépendance, ne fut pas un jour heureux pour Rafik. «Déjà, j'avais peur de connaître les résultats. C'est mon frère aîné qui s'est connecté sur Internet pour voir si j'avais obtenu mon bac. J'ai su que je ne l'avais pas eu au regard triste et à la mine déconfite de mon frère, aux pleurs de ma mère et à la rage de mon père», raconte-t-il. Atterré, déjà fragile psychologiquement, Rafik tente d'en finir avec l'existence. «Je ne savais pas ce que je faisais. Je suis pourtant très croyant et pratiquant (l'islam interdit le suicide et celui qui se suicide est voué à l'enfer), mais la pression était trop forte. Sans réfléchir, j'ai ingurgité toute une boîte de barbituriques.» heureusement, sa famille s'est rendu compte très rapidement de la chose et a réagi comme il le fallait, sauvant ainsi la vie du jeune homme. Pour le jeune Rafik qui a l'avantage d'avoir une famille compréhensive, à l'écoute de son cher enfant, le pire est passé et la vie, petit à petit, commence à prendre le dessus. 23 cas en trois mois Le cas de Rafik n'est pas unique en Algérie. Pour le premier trimestre de l'année en cours (de janvier à la mi-juillet) quelque 23 cas de suicides et de tentatives de suicide ont été recensés par les services de la police judiciaire à travers le territoire national. Selon le commissaire principal, Ahcène Oubad, «le manque de communication et la pression énorme exercée par les parents finissent par faire craquer les élèves qui recourent au suicide». En l'espace de 7 mois, 4 jeunes hommes et 19 filles ont attenté à leur vie pour échec scolaire (entre tentatives réussies et d'autres heureusement échouées). En attendant la prise de conscience des parents et la prise en charge psychologique inexistante, ce phénomène prend de plus en plus d'ampleur.