Histoire n Organisée par l'Institut d'Etudes méditerranéennes de Montréal (IEMM), une conférence sur la Casbah a lieu le 27 novembre à Montréal. La conférence intitulée «La Casbah d'Alger, entre mythes et réalité» a été animée par le Dr Redouane Hamza qui s'est efforcé de «déconstruire» le mythe qu'il y a autour de la Casbah en restituant des pans entiers de l'histoire de l'antique cité, son vécu sociétal et ses réalités. Ainsi, il a traité du mythe de la Casbah tel que perçu dans le temps par ses propres habitants et par les orientalistes qui ont renforcé les concepts structurants du mythe entre autres, la féminité, la différence et le mystère. «La Casbah photographiée, dessinée, décrite, contée et peinte a enrichi l'imagination collective, imagination que les orientalistes ont entretenue dans leurs ontologies sur l'Islam et qui a favorisé la création et le renforcement du mythe. Les penseurs de la colonisation ont fait de la femme de la Casbah en particulier et de la femme algérienne en général, le «symbole clé de l'identité de la colonie», a souligné à l'APS le conférencier. «Cette féminisation de la société et de la culture algéroise est devenue un référentiel de la structure du pouvoir colonial. Le mythe concernait donc le discours colonial et non pas la Casbah et c'est ce même discours qui a cerné la Casbah dans un ensemble de concepts forts et résilients. Dans une formulation typique d'un écrivain du début du XIXe siècle tout le pays est décrit comme «une sage et dangereuse maîtresse à qui exulte un climat de caresse et de torpeur suggérant comme essentiel le contrôle de son corps et de son esprit», note-t-il. Après une présentation du site, de son contexte géographique, des lieux historiques qui le composent et des hommes et des femmes qui y habitent, le conférencier a rappelé que le colonialisme s'est d'abord attaqué aux symboles qui exprimaient l'âme et l'histoire de la cité, puis à la cité elle-même en tentant de la déstructurer, de la remodeler. L'entreprise de déculturation a été un projet froidement mené par le pouvoir colonial français. Mais les Casbadjis continueront de chanter car le «chant est aussi une forme de résistance», dit-il. La conférence a été ponctuée d'interludes de musique algéroise classique et de la lecture de poèmes de Himoud Brahimi (Momo) sur la Casbah avant de conclure que la Casbah était un lieu de tolérance ouvert à toutes les cultures, un lieu où des hommes de différentes cultures, confessions, sensibilités et d'origines ethniques ont vécu dans l'harmonie, constituant un modèle qui pourrait servir d'exemple pour la construction d'une société tolérante, humaine en harmonie avec son environnement. l Pour les organisateurs de la conférence, «l'histoire de la Casbah d'Alger est étroitement liée à celle de l'Algérie, car la Casbah a été au cœur des événements de la Guerre de libération. La bataille d'Alger et les manifestations du 11 décembre 1961 ont été des facteurs déterminants pour la liberté du peuple algérien». Dans une présentation de la rencontre, l'IEMM met l'accent sur la dimension historique et sociale de la Casbah d'Alger, «ce lieu de rencontre, où les cultures se sont croisées et se sont côtoyées dans le respect, la tolérance et l'ouverture d'esprit». Dans son programme 2007-2008, elle souligne que cet «espace de vie unique en son temps» continue à nourrir l'imaginaire collectif des Algériens, mais aussi des Occidentaux, soutenant que l'expression « Take me to the Casbah» (emmène-moi à la Casbah), «ne laisse aucun Américain indifférent». Cette expression évoque encore le mystère et la sensualité et dont l'origine remonte au film Pepe le moko tourné en 1937 par Julien Duvivier et repris en 1938 par John Cromwell dans Algiers ou la Casbah est imaginée par un eurocentrisme en décrépitude.