Représentation n La pièce Fadhma a été présentée, hier mercredi, au Théâtre national. La pièce, un monologue, est adaptée du texte de M'hamed Benguettaf et mise en scène par Hamida Aït El Hadj et est interprétée en kabyle par Razika Ferhan. C'est l'histoire d'une jeune femme, Fadhma, une femme de ménage, qui, comme chaque mois, monte sur la terrasse pour laver et étendre le linge. De là-haut, l'on découvre le regard que la société porte sur elle, et inversement. Elle se raconte et raconte en même temps. Chargé de douleur, de tristesse, son regard se révèle descriptif, critique ; et à travers ce regard profond et attachant, se voient et se disent les déceptions et les peines d'une femme vivant dans une solitude pesante. Il est à souligner que cette pièce dans sa version kabyle a été, à l'origine, écrite en arabe dialectal sous le titre Fatma et a été jouée, pour la première fois, tout au début des années 1990, par Sonia. C'était une mise en scène de Ziani Cherif Ayad. Plus tard, en 2005, Sonia cède la scène à Nesrine Belhadj pour interpréter le monologue en se chargeant de sa mise en scène. Si l'on compare le texte initial à l'adaptation, la différence se fait nettement sentir et dans le jeu et dans la scénographie. S'exprimant sur l'adaptation, Hamida Aït El Hadj a expliqué : « J'ai essayé, à travers cette nouvelle version en kabyle, de porter un regard neuf et différent du texte original et ouvrir, du coup, la voie à la comédienne afin de renouveler le personnage dans une nouvelle perception, celle qui renvoie à toutes les femmes du monde. » Ainsi, avec Hamida Aït El Hadj, la pièce s'emploie à revêtir une dimension universelle. Dans le texte initial, l'histoire se déroule un 5 juillet, où il est question de dresser un bilan de trois décennies d'indépendance, alors que dans la nouvelle adaptation, c'est l'histoire d'une jeune femme qui souffre de solitude. La lecture politique, dans le texte original, est perceptible grâce à une musique – c'était une chanson du genre chaâbi dont le refrain est « el hamdoulilah el istiâmar ma bkache fi bladna », une chanson interprétée par el ankis, guerouabi, el-hadj el anka et tant d'autres – qui parvient, de l'arrière fond, comme un rappel des promesses faites, juste au lendemain de l'indépendance, par la première administration politique de l'Algérie indépendante. Or, il n'est rien de tout cela dans la version kabyle. S'agissant de la scénographie, dans la pièce jouée par Nesrine Belhadj il n'y avait comme seul décor que du linge, un grand récipient pour laver le linge et deux ou trois cordes pour son séchage. Dans la nouvelle version, la scène est occupée par un décor qui fait rappeler une terrasse. Fadhma contrairement à Fatma ne lave pas le linge car il n'y a pas d'eau. Et le robinet d'eau suspendu par un fil renvoie à cette symbolique : le manque d'eau en Algérie. l Le jeu diffère d'une version à l'autre. Le personnage de Fatma avec Nesrine Belhadj se révèle émotif et d'une sensibilité lyrique. Tandis que celui de Fadhma, apparaît plutôt plein d'entrain. Le premier est triste, plus attachant, alors que le second se veut allègre et sympathique. Il y a donc une différence de caractère. La psychologie n'est manifestement pas la même. Et en dépit de cette différence, de cette variante, les deux comédiennes, Nesrine Belhadj ou Razika Ferhan , se sont distinguées, chacune dans son registre, d'une belle prestation scénique. Un jeu qui a su susciter l'attention du public. Chacune a su marquer son temps, ainsi que les annales du théâtre.