Le «Café Roumana» (Café du Grenadier) de Tlemcen a fermé ses portes emportant avec lui un pan de l'histoire de la vieille cité, après avoir longtemps servi de lieu culte pour les amoureux de convivialité, des innocents jeux de société et du bon thé. L'estaminet disparu, parce que ses propriétaires en ont décidé ainsi, tient son appellation du vieux grenadier qui se dresse en son centre, et porte dans ses murs, encore debout, un passé riche en événements et péripéties de toutes sortes. La légende attribue au moins dix siècles d'existence à cet arbre et aux bâtisses successives érigées autour de lui au fil du temps. Jadis hôtel appelé tout simplement «Foundok» et lieu privilégié d'hébergement et d'accueil construit au XIIe siècle, l'endroit servait surtout aux Andalous en partance pour le pèlerinage à La Mecque. Il a servi également, pendant des siècles, au négoce des peaux et cuirs, puis du café, avant de devenir ce fameux café durant la colonisation française. Situé en plein cœur de la médina, ce café maure a été, par ailleurs, un lieu discret de rendez-vous et de contacts secrets pour les moudjahidine pendant la Guerre de libération nationale. La ruelle commerçante Sidi-Hamed qui l'abritait continue de «grouiller de monde» mais sans son prestigieux café, hélas utilisé déjà comme dépôt de marchandises par les commerçants de la Kaiçaria, un espace commercial tout proche. Mais le grenadier présumé millénaire trône toujours au milieu, témoin imperturbable de tous les événements, heurs et malheurs, qui se sont déroulés autour de ses vieilles, mais robustes ramifications.