Fatima est une jolie brunette de 14 ans. Elle habite avec sa famille dans le bidonville de Oued Aïssi. Chaque matin, elle accompagne sa mère et les autres femmes, en ville, pour faire la manche. Pour éviter d'attirer les regards et de se faire agresser, elle enroule sa magnifique chevelure noire teinte au henné sous un vieux foulard crasseux. Elle a bien voulu se confier à nous. «Quand il fait froid, c'est très dur de rester longtemps assise sur l'asphalte ou le carrelage», nous dit-elle d'emblée, avec un large sourire en nous expliquant qu'elle a deux places en ville et les occupe, selon qu'il fasse beau ou gris. Sur les marches d'une cité où nous avions l'habitude de la rencontrer, elle nous montre un magasin d'habillement pour homme en nous disant avec une note de regret : «jadis, il y avait une boulangerie, je m'installais juste à côté du four à l'arrière de la boulangerie et cela me permettait de me réchauffer. Les employés me donnaient parfois du pain ou des croissants.» fatima ne travaille pas tout le temps seule, elle est, parfois, accompagnée de son frère quand celui-ci n'est pas avec sa mère. Ma maman, nous dit Fatima, prend, avec elle, le bébé d'une autre femme et laisse Mohamed à la charge de sa sœur. Elle ajoute que les habitants de la cité où elle mendie, et particulièrement les femmes, sont très gentilles avec elle. «elles me remettent des vêtements et de la nourriture. Cela me permet de me nourrir, mais si je ne rapporte pas de l'argent, le soir, mon père se met en colère et me frappe, pensant que je l'ai dépensé en achetant des friandises.» son frère, à côté d'elle, pleure à chaudes larmes, elle nous montre sa tête badigeonnée de mercurochrome et nous dit : «il a des boutons et ça le démange c'est pour cela qu'il pleure», et elle essaye de le calmer. Lorsque nous lui avons demandé ce qu'elle aurait aimé faire si elle n'était pas mendiante, Fatima nous répond, sans tarder : «j'aurais aimé aller à l'école.»