L'un des avantages d'habiter le dernier étage des groupes de la place du 1er-Mai, ex-Champ-de-Manœuvres, reste incontestablement les hauteurs. «Je domine tout Alger. J'ai une vue panoramique et je prends beaucoup de plaisir à contempler les horizons, surtout du côté du port, avec la brise marine du petit matin», déclare Mouloud F., marié sans enfants et cadre dans une banque privée. Avant de partir au travail, il a pris l'habitude de prendre son café dans son petit balcon, transformé, aux frais de petites bricoles, en un espace de convivialité où un canari et un chardonneret chantent à l'unisson des notes joyeuses. «Mais des fois, j'ai de drôles d'idées en regardant les gens depuis mon balcon ou ma fenêtre. Il m'arrive de les voir comme des bouts d'allumettes et je me dis alors que c'est mauvais de penser ainsi. Je chasse tout de suite cette idée de ma tête.» Dans l'immeuble A, de douze étages, on ne peut réellement distinguer les séparations entre les appartements, tant l'image est brouillée par le linge étendu, sans compter l'architecture modifiée dans pratiquement chaque véranda et chaque balcon refaçonné pour devenir un grand débarras. Habiter très haut c'est s'habituer aussi, peu à peu, aux vertiges et autres phobies. «Au cours du séisme du 21 mai 2003, nous avons tous cru que l'immeuble allait s'effondrer. Les murs vacillaient et la terre grondait sous nos pieds. J'étais totalement paralysé et je n'ai rien pu faire. Je ne me suis même pas dirigé vers le balcon et si je l'avais fait, je me serais jeté dans le vide, c'est sûr», se souvient notre interlocuteur. La tentation de se jeter dans le vide n'est pas étrangère au quartier. «il y a eu par le passé quelques accidents du genre et même un ou deux suicides ont été signalés», ajoutera-t-il. Quant aux phobies, le vertige des hauteurs notamment, ceux-ci s'estompent au fil des jours et tout est question d'habitude pour les locataires.