Quatre jours après avoir réussi le «coup du siècle», la capture de Saddam dans un trou à rats, l?Amérique de Bush célébrait le centenaire des frères Wright, pionniers de l?aviation civile et surtout symbole de l?Amérique puritaine et pas encore arrogante. Hier, les télévisions du monde entier avaient vanté les mérites de Wilbur et de son jumeau Orville, deux enfants nés dans un Ohio méconnu et contraint, jusqu?alors, d?être confiné comme les autres Etats dans un long et éprouvant isolationnisme. Les deux hommes avaient révolutionné, en 1903, le monde en effectuant le premier vol de l?histoire de l?humanité. Mais y a-t-il, donc, un lien entre cette capture et le grandiose événement avec un siècle de décalage ? Aucun, sauf la symbolique. Le pays qui châtie les méchants, c?est le même qui enfante les héros. La pétillante coïncidence, puisque c?en est une, consiste à faire croire, dans un subtil jeu de recoupements, que si les Etats-Unis dictent aujourd?hui leur immuable loi sur le reste du monde, c?est parce que celui-ci a besoin d?un «tuteur» comme il avait besoin, il y a un siècle, du génie de ces deux Américains pour transformer le rêve en réalité : prendre un avion de ligne et rétrécir les milliers de kilomètres et, cerise sur le gâteau, faire de la terre un petit «village» comme le souhaitait Marshall McLuhan, un sociologue de renommée, lui aussi, américain. Coca-Cola, Nike, Boeing, Hollywood, Half Life, les trois quarts des Nobel, eux aussi, sont Américains, franchement utiles pour la prospérité, à l?estampille bannière étoilée, de l?humanité. Ainsi, les Bush, Wolfowitz et Perle auront trouvé, là, la parade, pour faire comprendre aux autres, Français, Allemands et Russes en premier, que l?Amérique peut se permettre le luxe d?outrepasser allègrement la légalité internationale. Car elle seule est apte à séparer le bon grain de l?ivraie. Un message pour dire à ceux qui veulent l?entendre que les Américains ont contribué grandement à civiliser le monde et à le pacifier même s?ils ont commis quelques «bourdes» au passage, comme le fait de larguer des bombes «intelligentes» sur une garderie à Bagdad ou un missile sur une mosquée à Mossoul. Une telle «trame» aux relents d?un thriller cynique et typiquement hollywoodien n?aura pourtant aucune chance d?effacer de la mémoire, par un saugrenu lavage de cerveau, les souvenirs indélébiles de Geronimo ou de Hiroshima?