La mère pousse un cri quand on lui annonce que son fils a été tué. Une banale querelle qui tourne au drame en quelques minutes. Les rivalités les plus terribles, les plus sauvages, sont celles qui existent à l'intérieur même des familles et entre amis? Les querelles débouchent parfois sur des drames qui demeurent à jamais inscrits dans les mémoires, tant par leur monstruosité que par la banalité qui en est à l?origine. Ainsi, dans la ville de Sidi Bel Abbes, l?on se souviendra encore longtemps du décès tragique du jeune Kamel D., ravi aux siens à l?âge de 20 ans, de la manière la plus «bête» qui soit. A ce jour, sa famille le pleure. Il était si jeune, si gentil, si attentionné. Il ne méritait pas cette mort-là? En ce 15 avril 2002, le jeune frère du défunt Kamel tambourine à la porte comme s?il avait le diable à ses trousses. Alarmée devant la mine défaite et la respiration saccadée du petit, la maman panique. Elle panique davantage et pousse un sinistre cri d?horreur lorsque, choqué, l?enfant lui annonce qu?on vient d?assassiner son grand frère à quelques mètres du domicile familial. Après un court instant de silence et comme s?il voulait convaincre sa mère de la véracité de ses dires, il éclate en sanglots en précisant : «Quelqu'un a poignardé Kamel, l?abandonnant dans une mare de sang.» Karima le croit. Il ne pouvait s?agir d?une plaisanterie. Elle connaît bien son fils Liès, il ne pleure que lorsque la situation est réellement grave. Ce jour-là, tout bascule au sein de cette famille qui vivait en harmonie? Quelques heures après son hospitalisation aux urgences du CHU de Sidi Bel Abbes, Kamel rend l?âme. Il s?est battu, il voulait vivre. Hélas, la blessure était trop profonde ! Le 2 décembre 2002, S. M., l?assassin, qui n?avait pas encore bouclé ses 18 ans le jour du drame, est maigre, blême et honteux. Il sera jugé en ce jour pluvieux et il craint le pire. Lors de cette audience à huis clos, la mère de la victime, à peine entrée, quitte la salle en sanglots : elle ne supporte pas que son regard se pose sur l?assassin de son fils adoré. «Pourquoi avez-vous tué K. D. ? ? Monsieur le président, je l?ai tué par vengeance, et par jalousie. Je discutais gentiment avec ma petite amie dans le quartier où habitait le défunt, quand je vis ce dernier venir vers nous d?un pas assuré, puis, toujours sûr de lui, il m?envoya balader d?un coup de pied et accapara mon amie. J?étais fou de rage. Une rage qui m?a poussé à courir chez moi, pour m?emparer d?une baïonnette et revenir vers celui qui m?a ridiculisé et humilié en public. Je les ai trouvés là, toujours à converser comme s?ils se connaissaient depuis longtemps. Ma colère a redoublé. Je me suis approché alors de lui et je lui ai asséné deux coups, avant de prendre la fuite. ? Encore une fois, es-tu allé chercher la baïonnette chez toi où l?avais-tu sur toi ? L?accusé, S. M., se rétracte : ? Je l?avais sur moi, Monsieur le président. ? Pourquoi, à 18 ans à peine, as-tu un tel objet en ta possession ? ? Pour me défendre.» La défense essaye d?amadouer les magistrats ; elle axe sa plaidoirie sur la non-préméditation. Après délibérations, le verdict est rendu : S. M. est condamné à 7 ans de prison et à verser 400 000 DA de dommages et intérêts à la famille de la victime? Qui a dit que l?argent pouvait remplacer un être cher ?