Réflexion n Les éditeurs algériens se montrent singulièrement frileux quant à la question d'éditer une bande dessinée. En tant que directrice des éditions Dalimen, et parmi tant d'autres éditeurs algériens, Dalila Nadjem, également commissaire du festival international de la bande dessinée d'Alger qui a pris fin, hier, dimanche, reconnaît ne pas avoir prêté plus d'intérêt à ce genre de littérature, qu'est la bande dessinée, considérée comme étant le 9e art. En effet, les éditeurs algériens se montrent singulièrement frileux quant à la question d'éditer une bande dessinée. Tous refusent de le faire. La raison de ce désintéressement s'explique du fait que la réalisation d'une bande dessinée revient chère contrairement à un livre ordinaire. Car une bande dessinée est comme un beau livre ou un livre d'art : il nécessite autant de créativité que de techniques de réalisation, autant d'efforts que d'exigences financières. C'est pour cette raison que les éditeurs algériens, même les plus professionnels et les plus expérimentés, écartent formellement l'idée d'éditer une bande dessinée. Si le prix d'un livre ordinaire édité en Algérie est estimé entre 300 et 500 DA, il se trouve qu'une bande dessinée, lorsqu'il s'agit d'un album, affiche le prix de 800 DA et peut même atteindre les 1 000 DA. C'est d'ailleurs le cas de la bande dessinée adaptée d'un roman de Yasmina Khadra, éditée par les éditions Lazhari Labtar et qui affiche le prix de 1 000 DA. Question : qui achètera un livre à pareil prix ? Les éditeurs estiment que, pour amortir le coût élevé d'un album d'une bande dessinée, il faudra faire des tirages conséquents pour que les bandes dessinées soient à la fois peu chères et plus ou moins rentables. Là, il s'agit d'un défi à relever, littéralement d'un pari risqué, car toute cette quantité trouverait-elle acquéreur ? C'est la question du lectorat qui revient dans ce contexte : y a-t-il une demande ? S'il y en a une, peut-on la satisfaire ? Autrement dit, y a-t-il une production tant au plan qualitatif que quantitatif ? C'est-à-dire y a-t-il une création en mesure d'assurer cette dynamique ? La bande dessinée est un livre, et comme tout livre en Algérie, elle ne peut échapper à la crise que connaît le marché du livre en général : édition, distribution, lectorat… La bande dessinée souffre des mêmes maux qu'un livre ordinaire. Elle en souffre d'ailleurs davantage, parce que, au plan de la réalisation, elle se révèle exigeante, voire plus coûteuse. l Un festival peut-il relancer la pratique du 9e art ? Le considérer comme tel relève d'un gag. Car un festival n'a ni les moyens ni la prétention d'une telle entreprise. Toutefois, il vise à évaluer les potentialités et les compétences créatrices. Ensuite, il consiste, et le temps d'un rendez-vous, non seulement à créer un espace de rencontre entre éditeurs et dessinateurs pour d'éventuels projets d'édition, mais aussi à en faire un lieu de partage d'expériences entre bédéistes, algériens et internationaux, quant à la thématique, l'imaginaire et l'esthétique. Ainsi, un festival rend compte de la nécessité de réactiver le 9e art qui est une forme artistique parmi tant d'autres, pour tenir compte du potentiel que recèle la scène culturelle algérienne et de l'exploiter de manière à en faire une dynamique.