Alternative n Si les Algériens achètent des bandes dessinées d'importation, ils peuvent en faire autant avec celles éditées en Algérie. Pour relancer l'art de la bande dessinée, donc créer une dynamique durable et rentable, un choix s'offre toutefois aux éditeurs, à savoir publier de simples revues de bande dessinée – cela est moins coûteux qu'un album. On l'estime à 100 DA. Effectivement, si les Algériens achètent des revues d'importation, à l'exemple du journal Mickey qui, lui, ne dépasse pas les 200 DA, ils peuvent cependant faire le même geste pour des revues de bandes dessinées éditées en Algérie, d'autant plus qu'elles représentent l'imaginaire, l'inconscient et les fantasmes locaux, où le tout est ancré dans une culture authentiquement algérienne. Si les éditeurs parviennent à s'accorder sur ce choix, le 9e art retrouvera progressivement sa place dans le marché du livre algérien. La relance de la bande dessinée relève d'emblée d'un accord commun et notamment d'une volonté foncièrement sincère, d'où l'adage : «Quand on veut, on peut.» Il se trouve que la plupart de nos éditeurs disent vouloir voir la bande dessinée renaître, mais en réalité l'intérêt n'est pas vivace. Certains en font l'expérience, mais ils ne restent qu'aux premiers balbutiements. Enfin la presse écrite peut contribuer efficacement à la relance de la bande dessinée, et cela en consacrant, ne serait-ce qu'une page au 9e art, offrant ainsi aux dessinateurs l'opportunité d'exercer leur art et, du coup, de s'épanouir. Cela s'avère un premier pas – il s'agit là d'une initiative modeste – pour revoir, un jour, la bande dessinée typiquement algérienne investir les rayons des librairies. La bande dessinée est une discipline, et comme toute discipline, elle a ses adeptes. La question est : y a-t-il en Algérie des bédéistes ? Il y en a, mais autodidactes. Il se trouve qu'aucun ne pratique son art. La bande dessinée a existé il y a 40 ans, avec des revues telles que M'qideche, Baroud, Zid ya Bouzid…., mais vite le vent a tourné, et le 9e art a vite été abandonné par manque de soutien financier. Les dessinateurs, à l'époque spécialisés dans le film d'animation ou dans la bande dessinée, changent de cap ; et pour vivre décemment, ils virent vers le dessin de presse, notamment la caricature. La nouvelle génération de dessinateurs en fait autant. Les jeunes dessinateurs, pleins de talent et d'imagination, usent de leur art en tant que caricaturistes, alors qu'ils souhaiteraient – il s'agit là d'un vœu qui leur est bien cher – pratiquer le dessin autrement, en créant des personnages et en usant de leur imaginaire en partant de la société, donc en faisant de la bande dessinée tout court, de la même manière qu'autrefois. La bande dessinée, en tant que discipline constante, en tant que produit fini, a cessé d'exister, même si quelques tentatives ont été entreprises notamment par l'entreprise nationale des arts graphiques (Enag) qui a eu l'heureuse idée de rééditer, en 2003, une très grande partie des albums à l'occasion de l'Année de l'Algérie en France – de telles initiatives demeurent cependant circonstancielles. En somme, la bande dessinée en tant que gisement existe, il reste seulement à l'exploiter. Les potentialités créatrices subsistent, il reste seulement à les mettre au jour, à les développer et à leur offrir la possibilité de s'épanouir. Pour ce faire, il faudra une politique émanant des éditeurs allant en ce sens et des instances concernées pour régler, une fois pour toutes, la crise du marché du livre.