Richesse n La mémoire d'El-Anka demeure vivace ; c'est un nom ancré dans la mémoire culturelle collective, et un legs à entretenir, à fructifier. Depuis la disparition il y a 30 ans, de son maître, y a-t-il eu une évolution, une continuité ou bien, au contraire, un oubli, une régression, voire une disparition de ce genre musical ? «Je suis moi-même la preuve vivante de son héritage, j'étais son élève, puis il m'a conseillé d'enseigner, et maintenant ce sont mes élèves à moi qui enseignent à leur tour, donc le flambeau est toujours là et ne s'est jamais éteint», nous dira, fièrement, Abdelkader Chercham, illustre élève de El-Hadj M'hammed El-Anka et chanteur émérite de chaâbi, avant d'ajouter : «Je chante toujours et encore, les qâcidate d'antan et je les perpétue, comme cela est le cas depuis des siècles, et comme l'ont fait avant moi, Cheikh El-Anka, et, avant lui, Cheikh Nador, lui-même élève de Si Abderrahmane el Meddah, Cheikh Sfindja, etc., et puis il y a énormément de poèmes et de qacidate, qui n'ont pas encore été chantés. Ce patrimoine est tellement vaste, tellement riche, que j'ai presque envie de dire, inépuisable, et je suis vraiment triste de voir des jeunes aujourd'hui, chercher la facilité, et le gain rapide, en occultant les bases et les règles de cet art, avec des paroles et des mots insensés, irréfléchis... C'est bien dommage ; El-Hadj, lui, lisait et comprenait d'abord le texte, avant d'accepter ou de refuser de le chanter, mais bon, heureusement qu'il y a aussi des mordus de ce genre qui respectent le chaâbi, qui nous respectent nous, en demandant des conseils, voire des autorisations de reprise de textes, ou autres, et là, ça me fait vraiment plaisir, et d'ailleurs, le chaabi actuellement s'exporte très bien et est, très apprécié à l'étranger, preuve qu'il est toujours là, et même plus que jamais.» Et au fils du «Cardinal», Sid-Ali, d'ajouter quant à l'héritage légué par son père : «C'est un héritage qui n'a pas bougé d'un iota, et je l'ai fortement remarqué, lors de mariages, que, très souvent, on fête avec du chaâbi, et où j'ai vraiment plaisir à voir ces jeunes qui "boivent" les paroles de Cheikh El-Anka, même si la musique est un peu différente, et d'ailleurs au conservatoire, mon père nous disait : «Moi je vous donne la base, à vous de la développer ensuite, en y apportant votre touche personnelle.»