Fantôme «On ne connaît même pas le visage du nouveau maire. On voit juste passer sa 406 aux vitres fumées.» Pour les jeunes rencontrés à Mohammadia (ex-Lavigerie), «le maire, ça sert à recevoir les grands-mères. Grâce à leur naïve insistance, elles ont plus de chance d?être reçues par le premier responsable communal. Avec le sourire, il leur promet des choses, elles ressortent toutes contentes de son bureau avant de déchanter, car aussi longtemps qu?elles auront attendu, aucune suite ne sera donnée à leurs doléances». Le groupe de jeunes n?a pas les yeux de Chimène pour le nouveau président de l?APC, élu sur la liste FLN. «Nous n?allons tout de même pas nous abaisser devant ces gens-là qui préfèrent employer les jeunes filles», nous dit Karim, 19 ans, chômeur, qui refuse de frapper à la porte de la mairie pour éventuellement y être employé. «Chaque président d?APC qui arrive croit nous leurrer en décidant de la réfection de deux ou trois trottoirs», ajoute-t-il. «Un maire digne de ce nom doit prouver ses compétences, il doit être en mesure de ramener «el barraniya» (investisseurs étrangers) plus à même d?offrir des postes d?emploi aux jeunes.» Mais la comparaison est de mise chez les habitants de Mohammadia. «Même s?il s?est servi, le précédent président de l?APC a fait du bon boulot ; il a logé une partie des nécessiteux, il s?est investi dans la commune», fait remarquer Salim, 26 ans, agent de sécurité dans une société de gardiennage. «Mais, on ne connaît même pas le visage du nouveau maire, on voit juste passer sa 406 aux vitres fumées», renchérit Yacine. Les jeunes croient savoir que «le responsable fait des affaires et se balade entre Mohammadia et l?hôtel Sheraton». Ces propos renseignent parfaitement sur ce qui conduit les jeunes à se désintéresser de la chose politique. «Vous savez, commente Yacine, avec le coup qu?on vient d?assener au FLN (allusion à la décision de justice gelant les activités de l?ex-parti unique, ndlr), tous les gens qui gravitent autour du P/APC sont passés dans le camp de Bouteflika. Ces gens-là «taâ teghmas» (qui mangent à tous les râteliers) sont aujourd?hui avec le RCD, demain avec le FLN, le surlendemain avec le FFS? Ils sont toujours à l?affût du cheval gagnant pour refaire surface.» Pour Toufik, qui en a gros sur le c?ur, «il n?y a rien à espérer de cette commune ni de ce pays». La chose qui lui tient vraiment à c?ur est «le visa que j?attends de pied ferme. Une fois à l?étranger je vous jure, je vais ignorer ce pays comme il m?a tourné le dos», lâche-t-il. Mohamed, 62 ans, père de famille, est «simple travailleur» comme il s?est plu à se présenter. Selon lui, «l?APC restera l?APC tant qu?on ne changera pas de mentalité». Il préconise avant tout de « combattre l?illettrisme et d?éduquer le peuple». Il ajoute : «Pourquoi voudriez-vous que j?aie besoin d?aller voir le maire, pour quelle raison, hein, dites-le-moi ?» Au loin, sur le fronton du siège de l?APC de Mohammadia, on note quand même ce changement : on a ajouté le mot «Taghiwant», qui signifie commune en tamazight.