Clivage n Alors que les garçons, devenus des jeunes hommes, aident leur père, les filles, elles, ne sortent que pour aller chercher de l'eau à la fontaine. On raconte qu'autrefois, il y a bien longtemps, vivaient dans la campagne algéroise, deux frères. L'un d'eux avait sept garçons et l'autre sept filles. Si l'homme aux sept garçons était fier de sa progéniture – sept garçons, c'est sept bras pour les champs, sept forces pour la famille – l'homme aux sept filles, était, lui, soumis à la volonté de Dieu. Il est vrai qu'il est triste de ne pas avoir de support dans la vie, mais il accepte avec stoïcisme son sort. Ainsi, quand il rencontre son frère, il lui dit humblement : — çabah al-Khir ya abû sbâa barakate ! (Bonjour, ô toi le père des sept bénédictions !) L'autre lui répond avec morgue : — wa çabah lkhir a'alik ya bû sbâa l'ânate ! (Bonjour à toi aussi, ô père des sept malédictions !) Cet échange peu courtois allait durer des années. Les enfants grandissent. Alors que les garçons, devenus des jeunes hommes, aident leur père, les filles, ne sortent que pour aller chercher l'eau à la fontaine. Mais voilà que l'une des filles, allant justement à la fontaine, croise son père et son oncle qui se saluent. — Bonjour, ô toi le père des sept bénédictions ! — Bonjour à toi aussi, ô père des sept malédictions ! De retour à la maison, la jeune fille se met en colère. — Mon oncle est un homme impoli, tu l'as salué de la meilleure façon et il te répond par une insulte ! Le père soupire. — Hélas, ma fille, cela dure depuis des années ! — Tu ne peux supporter tant d'arrogance ! — Je ne peux rien faire ! Après tout, il a raison. Ses fils l'aident en toute chose alors que moi, je n'ai aucun soutien ! La fille est vexée. — Tu as tort de le croire, car, nous, tes filles, nous valons autant ou même plus que les fils de ton frère ! Le père sourit. — ça, il faudra le prouver ! La fille insiste. — Je maintiens ce que j'ai dit et j'ai même une proposition à te faire ! — Parle ma fille… — Je voudrais me mesurer à l'un de ses fils ! Le père rit. — Toi, te mesurer à un de mes neveux ! — Pourquoi pas ? — Il est plus fort que toi ! — Il ne s'agit pas d'un corps à corps, mais d'un combat d'intelligence. Il s'agira de voir qui de lui ou de moi se débrouillera dans la vie. Va et propose à ton frère qu'un de ses fils parte faire le tour du monde avec moi. Nous verrons, au retour, qui reviendra victorieux ! (à suivre...)