Grève n La tension continue de monter d'un cran dans les îles antillaises en s'amplifiant au fur et à mesure que la métropole semble incapable de répondre aux revendications des grévistes. La grève générale, qui paralyse depuis des semaines les Antilles françaises, a mis en évidence les clivages sociaux et raciaux issus du colonialisme dans ces îles paradisiaques ainsi que les difficultés de développer leur économie. Des barrages ont été érigés lundi en Guadeloupe, où une cinquantaine de personnes ont été interpellées par la police. L'île, où la tension est montée d'un cran, est en grève générale depuis le 20 janvier, tandis que la Martinique a rejoint le mouvement le 5 février. Les appels à la trêve, formulés par le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Yves Jégo, et ceux du président de région, Victorin Lurel, semblent inaudibles. L'annonce par le président de la République Nicolas Sarkozy d'un rendez-vous, jeudi, avec les élus de tous les départements d'outre-mer n'a en rien entamé la détermination des manifestants. Charlie Lendo, adjoint du leader du collectif de grève LKP Elie Domota, a assuré que faute de «satisfaction sur nos revendications, la mobilisation ira en s'amplifiant». Lundi soir, une voiture a été incendiée par les manifestants et celle du procureur de la République caillassée. Les forces de l'ordre présentes ont fait usage de grenades lacrymogènes et détonantes. Les grévistes du Collectif contre l'exploitation (LKP) protestent contre le coût élevé de la vie et veulent 200 euros d'augmentation pour les bas salaires. Mais le débat s'est doublé d'une dimension raciale, car les leviers de l'économie sont, dans les deux îles, largement aux mains d'une petite minorité de blancs, descendants des colons esclavagistes des XVIIe et XVIIIe siècles : les Békés. «Une caste détient le pouvoir économique et en abuse», a dénoncé la députée Christiane Taubira, originaire de la Guyane. «Il y a un lourd malaise dû à la cherté de la vie, au niveau du pouvoir d'achat et, au-delà, à un problème de répartition des richesses», a déclaré la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, Rama Yade. En métropole, le Premier ministre, François Fillon, a jugé que les barrages ne constituaient pas des moyens légaux d'expression. M. Jégo a parlé d'une situation pas acceptable. À Paris, treize mouvements de gauche ont défilé en solidarité avec les Antilles. Un «Comité pour la sauvegarde des libertés» guadeloupéen a appelé à une manifestation silencieuse mardi à Pointe-à-Pitre contre la paralysie de l'île en raison de la grève. En Martinique voisine, en grève depuis 11 jours, la situation semblait également bloquée. De 8 000 à 15 000 personnes ont manifesté à Fort-de-France. A quelque 7 000 km de Paris, ces îles, où les Français aiment passer leurs vacances accumulent les problèmes sociaux, en dépit de transferts financiers massifs. Le taux de chômage est d'environ 22% à la fois pour la Guadeloupe (450 000 habitants) et la Martinique (environ 400 000 habitants).