Patrimoine n La décision de démolition du petit théâtre d'El-Moudja s'est heurtée à la protestation des gens de la culture et des mouvements associatifs, notamment les férus du 4e art. «Le théâtre El-Moudja est un patrimoine», commentera M'hamed Benguettaf, directeur du théâtre national, au sujet de cette institution promise à la démolition. «C'est un patrimoine culturel et historique de la ville de Mostaganem. Le détruire est un crime contre la culture, contre l'histoire et contre cette ville phare – Mostaganem – de l'innovation artistique.» Les autorités locales de la wilaya de Mostaganem ont programmé la démolition de ce petit théâtre, situé en bord de mer, dans l'un des vieux quartiers qu'est la Salamandre, et ce, au profit d'un projet de réaménagement de ce quartier, et qui prévoit l'élargissement du boulevard traversant le quartier et la construction d'une station balnéaire. Cette décision de démolition s'est heurtée à la protestation des gens de la culture et des mouvements associatifs, notamment les férus du 4e art. Les protestataires voient en cette décision une injustice à l'encontre de la culture algérienne et une atteinte tant à l'histoire qu'à la mémoire de la ville de Mostaganem. Le théâtre occupe, en effet, une place importante, voire symbolique au sein de la société de Mostaganem. «Cet espace est considéré aussi bien par les amateurs que par les professionnels des planches, qu'ils soient algériens ou étrangers, comme un lieu de pèlerinage du 4e art», dira Boudjemaâ Djillali, directeur du théâtre. Car il faut savoir que si le théâtre en soi (connu aussi sous le nom de Osman-Fethi), souffle sa trentième bougie jeudi prochain. La bâtisse, vrai bijou architectural, date de l'époque coloniale. «Durant des décennies, ajoute Boudjemaâ Djillali, ce théâtre a formé des générations d'hommes et de femmes de théâtre. Et on peut, de ce fait, le considérer comme une école ayant sa place dans le paysage culturel algérien.» Les mouvements associatifs du théâtre reconnaissent certes que le quartier doit bénéficier d'un tel projet de réaménagement, mais refusent que ce soit au détriment de la culture et du patrimoine. «L'Algérie a besoin, aujourd'hui, de réhabiliter et de fructifier ses symboles culturels, sachant que la culture est un capital symbolique qu'il faut entretenir. Et s'en détourner ne peut être qu'une tare indélébile.» Le théâtre El-Moudja est une mémoire qu'il faut entretenir, car c'est sur ses planches que sont passés Sirat Boumediene, Ould Abderahman Kaki et autres Rouiched et Keltoum. l «Ce dont a besoin le théâtre El-Moudja, c'est d'être restauré de manière à l'inscrire dans le futur tissu urbain», dira le directeur de ce petit théâtre. Et de poursuivre : «C'est ainsi que nous aurons été fidèles à notre mémoire culturelle et à tous ceux qui ont tant donné pour le 4e art.» «Il est de notre responsabilité, aussi bien les artistes que les pouvoirs publics, de préserver ensemble notre héritage et notre mémoire», a-t-il conclu. Mais malgré la menace de démolition qui plane sur ce patrimoine, le théâtre El-Moudja poursuit son activité avec plusieurs représentations, dont Amour de loin, une pièce adaptée du roman d'Amin Malouf. Des troupes et compagnies théâtrales, à l'instar du Mouvement théâtral de Koléa, la troupe de Sidi Bel Abbes et une autre troupe d'Oran, sont également programmées, et auxquelles il faut ajouter un one-woman-show. Ainsi, les planches d'El-Moudja se révèlent un terrain de lutte et de résistance pacifique et artistique pour sauver 30 ans d'histoire, de production et de création.