Le théâtre Osmane Fethi, plus connu sous le nom de la troupe El Moudja, situé à Salamandre, petite ville côtière à quelques encablures de Mostaganem, soufflera jeudi prochain sa 30ème bougie avec, pour marquer ce jour, une petite réception, à 14h. La fête se teindra cependant d'un voile de tristesse, car cet anniversaire pourrait être le dernier que la troupe célébrera dans ce théâtre que la wilaya de Mostaganem, insensible à la valeur historique et culturelle de la bâtisse, veut détruire pour ériger une station balnéaire et un boulevard front de mer. Les autorités de la wilaya de Mostaganem, un plan à la main, ont entrepris depuis quelques semaines la destruction des quelques habitations dans le voisinage du théâtre qui, pour le moment, bénéficie d'un petit sursis. En effet, le directeur du théâtre El Moudja, Djillali Boudjemaa, nous a affirmé lors d'une conversation téléphonique que, suite aux divers articles de presse parus dernièrement, le président de l'Assemblée populaire de la wilaya de Mostaganem s'était déplacé à la fin de la semaine dernière au théâtre El Moudja et a promis à la direction de l'établissement et aux comédiens un éventuel rendez-vous avec Mme la wali. «Cette fois, les médias ont joué en notre faveur, mais rien n'est encore officiel et les gens s'inquiètent sur le sort d'El Moudja», a-t-il déclaré. En attendant l'hypothétique lueur, l'équipe d'El Moudja poursuit son activité et prépare son 30ème anniversaire qu'elle veut symbolique non de la fin mais de l'action qu'elle a menée et qu'elle mènera toujours pour la survie et la promotion du théâtre. Après la petite réception, la fête se transposera sur les planches pour une représentation théâtrale de la troupe El Moudja avec une pièce intitulée Amour de loin adaptée du roman d'Amin Malouf. La suite du programme sera assurée par les différentes troupes et compagnies théâtrales qui prendront part à cet événement, dont le Mouvement théâtral de Koléa, la troupe de Sidi Bel Abbès, une troupe d'Oran et une comédienne pour un one-woman-show. Les spectacles seront donnés au niveau du théâtre El Moudja et de la maison de culture de la wilaya de Mostaganem Ould Abderrahmane Kaki. L'événement sera clôturé vendredi prochain avec le ballet d'Alger. «Nous avons appris que le ballet d'Alger sera de passage à Mostaganem, et nous avons profité de l'occasion pour les inviter à se joindre à nous, c'est une belle coïncidence», dira le directeur d'El Moudja. Mais ce n'est là qu'«un programme provisoire. La liste est encore ouverte, car il y a beaucoup de troupes qui veulent participer mais hélas deux jours sont loin d'être suffisants», nous précisera M. Boudjamaa. «Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de troupes qui veulent participer, c'est incroyable», conclura-t-il. C'est là une belle image de solidarité que nous offrent les gens du 4ème art qui dénoncent ce crime prémédité que se prépare à commettre la wilaya avec le silence complice de toutes les autorités. En somme, les responsables du théâtre El Moudja et toute la famille du 4ème art aspirent à faire des planches leur terrain de lutte pour donner une belle leçon de résistance et de persévérance. Aux menaces de destruction d'un lieu mythique, ils opposent une résistance pacifique et artistique pour sauver 30 ans d'histoire, de production et de création. Mais ces longues années ne semblent pas assez symboliques pour les autorités qui restent obstinément cloîtrées dans un silence de bien mauvais augure. W. S.