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Levée de boucliers contre la démolition du théâtre El Moudja de Mostaganem Un projet de construction d'un boulevard et d'une station balnéaire menace la bâtisse
Depuis quelques jours, le monde du 4ème art est sens dessus dessous, et pour cause, le théâtre Osmane Fethi, plus connu sous le nom de théâtre d'El Moudja, de Mostaganem, est promis à la destruction. Construit en plein cœur de la petite ville côtière de Salamandre (Mostaganem), ce petit bijou architectural datant de l'époque coloniale est aujourd'hui menacé de disparition parce que situé sur le parcours du boulevard du Front de mer que la wilaya de Mostaganem se propose de construire et devant aller de Salamandre jusqu'à la petite ville de Sablette. Ce projet prévoit également la construction d'une station balnéaire avec des hôtels et des restaurants. A-t-on le droit d'ériger un projet structurant et moderne sur les ruines d'un établissement culturel, alors que le pays a un besoin énorme en infrastructures culturelles et de culture ? Toute personne raisonnable répondrait par la négative. Et c'est ce que font les gens de l'art en général et du théâtre en particulier. Depuis l'annonce des desseins destructeurs qui visent le théâtre El Moudja, une opposition s'organise et s'exprime. Contacté par téléphone, Djamel Bessaber, l'une des figures emblématiques du théâtre de Mostaganem, commissaire du Festival du théâtre amateur de Mostaganem et fidèle défenseur d'El Moudja, nous dira : «Depuis deux ans, des rumeurs sur un projet de front de mer circulent à Mostaganem, mais aujourd'hui ces rumeurs se sont confirmées. Les autorités ont déjà procédé à la démolition du côté Est de la ville de Salamandre en attendant qu'ils entament le côté Ouest qui abrite le théâtre El Moudja. Il y a une semaine, un avis de démolition a atterri chez les responsables d'El Moudja leur demandant de vider les lieux. Les artistes se sont mobilisés en rédigeant une pétition et des manifestations ont eu lieu à Salamandre. Mais à mon avis c'est une affaire qui nous dépasse», se désole-t-il. Le directeur de l'établissement en question, Boudjemaa Djillali, contacté également par téléphone, nous dira : «Les autorités nous ont envoyé un avis de démolition et nous ont promis un terrain pour bâtir un théâtre de 600 places. Nous ne sommes pas des commerçants mais des artistes. On n'a rien à faire des promesses, ce qui nous importe c'est l'histoire, et El Moudja a derrière lui 30 ans d'existence ! Il est témoin du passage des grands hommes de théâtre, Rouiched, Kelthoum, Kaki, etc. Moi, je ne bougerai pas d'ici. Le nouveau théâtre promis doit être construit sur le même lieu qu'El Moudja. On lance un appel à tous les amoureux du théâtre : Sauvez El Moudja !» Révolté et bouleversé, il ajoutera : «Nous avons reçu plein de lettres de soutien de la part de confrères étrangers mais pas assez des Algériens. Un investisseur étranger nous a même proposé d'acheter le terrain pour sauver El Moudja ! Vous voyez le paradoxe ! Nous sommes vraiment dans le désarroi face à une telle réalité et nous comptons beaucoup sur nos confrères algériens pour qu'ils nous soutiennent et qu'ils fassent entendre leur voix.» A Alger, des gens du théâtre se sont joints au mouvement et s'élèvent également contre la destruction du théâtre de Mostaganem, et cela à travers des pétitions qui circulent ainsi que des SMS : «El Moudja est un patrimoine culturel historique de la ville de Mostaganem. Le détruire est un crime contre la culture, contre l'histoire et contre cette ville phare de l'innovation artistique.» Ce message est signé M'hamed Benguettaf, artiste et directeur du Théâtre national algérien (TNA). Mais il semble bien que le compte à rebours pour la destruction d'El Moudja a commencé et que ses jours sont comptés. D'un côté, un immense projet de station balnéaire visant à enrichir le pôle touristique de la ville, de l'autre un petit théâtre amateur qui recèle une page de l'histoire du 4ème art algérien… on devine de quel côté penchera la balance, dans un pays où la culture est encore la 5ème roue du carrosse… à moins qu'une décision, politique, ne fasse contrepoids et commande à Mme la wali de Mostaganem de revoir sa position. W. S.